« La « Non acceptation du Concile » par la Frat. St-​Píe X : un rideau de fumée »

Sauf avis contraire, les articles ou confé­rences qui n’é­manent pas des
membres de la FSSPX ne peuvent être consi­dé­rés comme reflétant
la posi­tion offi­cielle de la Fraternité Saint-​Pie X

Après l’instrumentalisation de la déplo­rable affaire Williamson, ceux qui s’opposent à une récon­ci­lia­tion de la com­mu­nau­té de Mgr Lefebvre ins­tru­men­ta­lisent cer­taines mal­adresses pour la ré-​excommunier in aeter­num. Or, leur thème est un mon­tage fallacieux.

1°/ La question fondamentale : refuser ou accepter quel Vatican II ?

Qu’on le veuille ou non, « l’acceptation du Concile » est deve­nue un thème idéo­lo­gique sous lequel on a fait pas­ser depuis 40 ans de très graves abus. Le dis­cours du pape à la Curie du 22 décembre 2005 a oppor­tu­né­ment rap­pe­lé qu’il exis­tait depuis l’origine deux her­mé­neu­tiques concur­rentes de Vatican II, l’une « de rup­ture », l’autre « de conti­nui­té ». Pour faire bref, la 1ère était celle des Rahner et Congar, la 2ème celle de la Nota prae­via adjointe par Paul VI à Lumen Gentium. Les actes du pré­sent pon­ti­fi­cat (Summorum Pontificum, décret du 21 jan­vier 2009) tiennent en outre compte d’une 3ème her­mé­neu­tique, celle de la mino­ri­té conci­liaire, conti­nuée par l’opposition lefeb­vriste, et aujourd’hui trans­for­mée et revi­ta­li­sée autour du pape par une « nou­velle école romaine ». De sorte que, et pour ne prendre qu’un seul exemple, celui du n. 3 d’Unitatis redin­te­gra­tio qui semble dire que les com­mu­nau­tés chré­tiennes sépa­rées peuvent être en tant que telles des moyens de salut, il serait injuste (et para­doxal) de trans­for­mer en crime contre l’unité de l’Église :

  1. Soit le fait d’estimer en conscience que, prout sonant, les expres­sions d’UR 3 ne peuvent pas être accep­tées comme magis­tère de l’Église ;
  2. Soit le fait de les relire en disant que ce sont les élé­ments catho­liques conte­nus dans com­mu­nau­tés sépa­rées qui peuvent être ins­tru­ments de rat­ta­che­ment in voto à l’Église de Pierre.

Plus géné­ra­le­ment, peut-​on pré­tendre conge­ler pour tou­jours la tra­di­tion vivante de l’Église dans des expres­sions mani­fes­te­ment cor­ri­gibles datant de 40 ans ? Doit-​on avoir peur a prio­ri de faire une théo­lo­gie (et demain un magis­tère) à frais nou­veaux, tenant compte non seule­ment des apports de Vatican II, mais aus­si des réponses aux « ques­tions ouvertes » par ce concile ?

2°/ Des « colloques » théologiques avec la Fraternité St-​Pie‑X ont déjà eu lieu sur cette question

Et d’ailleurs, lorsque le décret du 21 jan­vier ouvre la voie à des « col­loques » à pro­pos de « ques­tions encore ouvertes », il n’innove nul­le­ment. A plu­sieurs reprises des dis­cus­sions ont eu lieu concer­nant des dif­fi­cul­tés sou­le­vées, entre autres, par la FSSPX, sous l’égide du « Groupe de Rencontre entre Catholiques », Grec. Au final, une séance publique, le 21 février 2008, sur le thème : « Réviser et/​ou inter­pré­ter cer­tains pas­sages de Vatican II ? », a mon­tré une conver­gence, qui n’est autre que celle du bon sens : le repré­sen­tant de la FSSPX pos­tu­lait la per­ti­nence d’une cri­tique saine et posi­tive des points doc­tri­naux nou­veaux de Vatican II pour don­ner des élé­ments à une future éla­bo­ra­tion de textes plus clairs, le théo­lo­gien romain esti­mait qu’une récep­tion de Vatican II qui se fon­de­rait très for­te­ment sur l’état du magis­tère anté­rieur avait sa place dans l’Église.

Il serait donc irréa­liste de faire du résul­tat de ce type de col­loques (résul­tat dont il est évident qu’il réside pour com­men­cer dans la manière d’aborder les pro­blèmes, et cela pas seule­ment pour la FSSPX), un préa­lable à une réin­té­gra­tion cano­nique. Le bon sens – qui rejoint le sen­tire cum Ecclesia – veut au contraire que ce soit une réin­té­gra­tion cano­nique préa­lable de la FSSPX qui per­mette la tenue de tels col­loques et d’autres encore, les­quels appor­te­ront leur pierre à la réflexion théo­lo­gique dans la mesure où ils per­met­tront uti­le­ment ad intra l’expression d’une pen­sée réso­lu­ment traditionnelle.

3°/ Pourquoi demander plus à la FSSPX que ce qu’elle a déjà accepté ?

Au reste, tout cela est vir­tuel­le­ment acquis. En effet, le 5 mai 1988, en tête d’un « pro­to­cole d’accord », Mgr Lefebvre a signé une « décla­ra­tion doc­tri­nale », qu’il n’a jamais remise en cause. Par celle-​ci, il décla­rait accep­ter la doc­trine du n. 25 de Lumen gen­tium sur l’adhésion pro­por­tion­née au magis­tère selon ses divers degrés (on ne lui deman­dait nul­le­ment de dire, ce qui n’a d’ailleurs jamais été pré­ci­sé par le Saint-​Siège, que tel ou tel pas­sage déter­mi­né de Vatican II rele­vait de l’infaillibilité solen­nelle ou ordi­naire). Il recon­nais­sait aus­si la vali­di­té de la litur­gie en sa forme nou­velle, lorsqu’elle était célé­brée selon les livres approu­vés par le Saint-​Siège. Enfin, il s’engageait (3ème des 5 points de la Déclaration) « à pro­pos de cer­tains points ensei­gnés par le Concile Vatican II ou concer­nant les réformes pos­té­rieures de la litur­gie et du droit, et qui [lui] paraissent dif­fi­ci­le­ment conci­liables avec la Tradition, à avoir une atti­tude posi­tive d’é­tude et de com­mu­ni­ca­tion avec le Siège Apostolique, en évi­tant toute polé­mique ». L’engagement por­tait sur « l’absence de polé­mique » et nul­le­ment sur un absurde « niveau zéro de la cri­tique », qu’on ne deman­de­rait au reste qu’aux traditionalistes.

A bien lire le récent entre­tien accor­dé par Mgr Fellay, le 25 Février 2009, à Rachad Armanios, lecour​rier​.ch, ce n’est pas une recon­nais­sance du Concile que Mgr Fellay refuse : mais il nie que cette insai­sis­sable « recon­nais­sance » lui soit deman­dée par le Saint-​Siège. Il est d’ailleurs véri­fiable par tous que, depuis 20 ans, l’acte d’adhésion deman­dé aux membres de la FSSPX qui veulent indi­vi­duel­le­ment ou col­lec­ti­ve­ment (tel le groupe de Campos) rece­voir une régu­la­ri­sa­tion cano­nique repro­duit la décla­ra­tion de Mgr Lefebvre de 1988. Autrement dit, le Saint-​Siège n’a jamais deman­dé rien d’autre, concer­nant Vatican II, à l’ensemble des com­mu­nau­tés les plus tra­di­tion­nelles de l’Église, que cette décla­ra­tion de bon sens.

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Le pro­blème qui, jusqu’à la déci­sion géné­reuse du Pape, demeu­rait avec la FSSPX, était l’effet de la déci­sion de son fon­da­teur, prise pour des rai­sons qu’il avait qua­li­fiées « d’état de néces­si­té », d’anticiper la consé­cra­tion d’évêques pour son ins­ti­tut et de la réa­li­ser sans man­dat pon­ti­fi­cal. Mais c’est fal­la­cieu­se­ment que, de la part d’opposants externes, se fai­sant les « alliés objec­tifs » tant de cer­tains élé­ments que de cer­taines mau­vaises ou mal­adroites habi­tudes internes à cette com­mu­nau­té, a été nou­vel­le­ment fabri­qué l’obstacle d’un « préa­lable » doc­tri­nal. C’est, en réa­li­té un mur construit de toutes pièces pour empê­cher, dans l’immédiat, l’unité entre tous les vrais catho­liques, et dans le futur, un sur­saut fécond de la théo­lo­gie des rap­ports de l’Église et du monde.

Pourquoi vou­loir que la tra­di­tion vivante de l’Église se soit arrê­tée, non pas même à Vatican II, ce qui déjà serait absurde, mais même à un cer­tain Vatican II ?

Abbé Claude Barthe – Mars 2009