L’abbé Philippe Laguérie à la croisée des chemins…

Suresnes, le dimanche du Bon Pasteur 22 avril 2007

Nous l’avons consta­té à chaque fois.

Au fur et à mesure que se sont ral­liés à la Rome conci­liaire dif­fé­rents monas­tères, ins­ti­tuts ou prêtres iso­lés, il s’est tou­jours pro­duit un affa­dis­se­ment, un gau­chis­se­ment des idées qui s’est d’abord opé­ré par le rem­pla­ce­ment ou le détour­ne­ment de sens d’un mot puis de quelques-​uns. Il suf­fit d’avoir consen­ti à l’un d’entre eux- car il existe nor­ma­le­ment une cohé­rence dans une pensée- pour qu’il en amène d’autres à ger­mer, qui vont lui impo­ser peu à peu une tout autre orien­ta­tion . Quelques années après, l’on se frotte les yeux en se deman­dant com­ment il est pos­sible qu’un tel fos­sé ait pu se creuser.

Non , il n’est pas neutre, à quelques semaines de dis­tance, que Monsieur l’abbé Philippe Laguérie ait pu dire de la nou­velle messe qu’elle était illé­gi­time (Note A : 22 février 2007 sur son blog) puis de tenir brus­que­ment qu’elle est désor­mais deve­nue légi­time (Note B : 17 avril 2007 sur le même blog). Quoi qu’il en dise, il ne se trouve vrai­ment plus en accord avec Monseigneur Lefebvre qui la nom­mait « bâtarde » adjec­tif qui signi­fie fort exac­te­ment le contraire de « légi­time . » Nous voudra-​t-​il tenir qu’elle est en même temps, mais sous des rap­ports dif­fé­rents, et légi­time et bâtarde ? Le Fondateur de la Fraternité Saint-​Pie X, lui, ne nous payait pas de mots : Monsieur l’abbé Philippe Laguérie devrait s’en souvenir.

Nous nous espé­rons tout de même à croire que cette posi­tion du 17 avril ne soit pas déjà deve­nue celle de tous les membres de l’Institut du Bon Pasteur.

Monsieur l’abbé Philippe Laguérie s’est indi­gné des varia­tions qu’il pen­sait avoir détec­tées chez Monseigneur Fellay. Nous ne savons où il les a trou­vées et nous ne pen­sons pas qu’elles existent – mais existeraient-​elles – que nous n’aurions pas de mal à démon­trer à quel point il l’a alors surpassé !

Comme Monsieur l’abbé Philippe Laguérie pense pou­voir faire de la théo­lo­gie à la vitesse de son blog et entraî­ner les membres de son ins­ti­tut à la même allure, nous crai­gnons, à ce train d’Enfer, qu’il ne conti­nue à y lais­ser en che­min bien des vérités .

Car il n’a jamais suf­fit de pro­non­cer ou d’écrire des phrases sur un ton assu­ré pour les rendre vraies. J’accorde à Monsieur l’abbé Philippe Laguérie que cette assu­rance ne lui manque pas et que, de cette manière,il peut par­ve­nir effec­ti­ve­ment à impres­sion­ner quelques esprits . Puisse-​t-​il cepen­dant ne pas en jouer ! Puisse-​t-​il y trou­ver seule­ment une inci­ta­tion sup­plé­men­taire à peser gra­ve­ment cha­cun des mots par lui utilisés !

Dire de la nou­velle messe, à si peu de jours dif­fé­rents, qu’elle est illé­gi­time puis qu’elle est légi­time, c’est au moins mani­fes­ter une légè­re­té inad­mis­sible sur un tel sujet, légè­re­té qui ne peut conduire qu’à aug­men­ter encore la confu­sion des esprits déjà si généralisée.

Mais nous appre­nons main­te­nant, après ce revi­re­ment théo­lo­gique sur la ques­tion de la légi­ti­mi­té de la nou­velle messe, que Monsieur l’abbé Philippe Laguérie enseigne sur la chaire de son blog – c’est à dire urbi et orbi- que « la véné­ra­tion et l’utilisation des espèces eucha­ris­tiques est équi­va­lente eu égard à leur consé­cra­tion dans l’ancien ou le nou­veau rite .» (Note C : 3 avril 2007)

C’est vrai­ment le père Cottier- deve­nu depuis Cardinal- qui a eu la parole la plus exacte, au moment de la signa­ture de Campos, pour annon­cer ce qui se pas­sait tou­jours lors de tels ral­lie­ments : « La com­mu­nion retrou­vée dans l’Eglise pos­sède un dyna­misme inté­rieur propre qui va mûrir . » (Zénit, 20 jan­vier 2002)

Pas plus que pour la ques­tion de la légi­ti­mi­té de la nou­velle messe, nous ne pou­vons lais­ser pas­ser une erreur aus­si gros­sière. Nous en pro­po­sons donc une réfu­ta­tion, en espé­rant qu’elle per­met­tra aux Catholiques de com­prendre que les pâtu­rages où les emmène le Supérieur de l’Institut du Bon Pasteur sont bel et bien des sables mouvants.

Nous espé­rons ain­si que les fidèles, contre la parole de Monsieur l’abbé Plilippe Laguérie, ne croi­ront pas qu’il soit indif­fé­rent de com­mu­nier dans l’un ou l’autre rite.

Nous éco­no­mi­se­rions le temps de tous si de tels sujets étaient secon­daires. Mais nous savons trop qu’on ne sub­ti­lise jamais les mots d’une façon inno­cente. Les mar­tyrs n’ont ces­sé de mou­rir pour des mots parce que ces mots signi­fiaient les réa­li­tés les plus saintes de la reli­gion. Qui pour­rait donc pré­tendre que la ques­tion de la légi­ti­mi­té de la nou­velle messe ou de son illé­gi­ti­mi­té, de l’utilisation des espèces eucha­ris­tiques, quel qu’ait été leur rite de consé­cra­tion, fût futile ?

Comme l’a dit Chesterton, il est nor­mal de se battre pour des mots : vous ne réagis­sez pas de la même manière si l’on dit de votre femme qu’elle est un ange ou qu’elle est une gue­non. Et ce serait une étrange cha­ri­té que celle du mari qui invo­que­rait cette ver­tu pour lais­ser insul­ter sa femme. Il ne faut donc pas s’étonner, au nom de la sain­te­té de la messe de saint Pie V, que nous ne la lais­sions pas relé­guer au même rang qu’une messe adul­té­rine, fruit de l’union entre « l’Eglise conci­liaire » (*) et la Révolution.

Le père Basile, du Barroux, est deve­nu le cham­pion de la liber­té reli­gieuse. Puisse l’abbé Philippe Laguérie ne pas deve­nir celui de la légi­ti­mi­té de la nou­velle messe ou de la défense de l’utilisation des espèces eucha­ris­tiques, quel qu’ait été leur rite de consécration !

En espé­rant une rétrac­ta­tion du Supérieur de l’Institut du Bon Pasteur, nous pen­sons que si, par mal­heur, elle ne venait pas, les signaux très nets don­nés d’une dévia­tion doc­tri­nale claire ser­vi­ront au moins à aver­tir les fidèles qui res­tent davan­tage atta­chés aux prin­cipes et à la messe qu’à la per­sonne de Monsieur l’abbé Philippe Laguérie.

Voici donc, pour les âmes dési­reuses de véri­té, ces quelques dis­tinc­tions qui nous paraissent devoir suf­fire à clore le débat. Place main­te­nant à une argu­men­ta­tion seule­ment théo­lo­gique, au seul niveau que de telles ques­tions n’au­raient jamais dû quitter.

Afin que cha­cun puisse se réfé­rer libre­ment aux textes contes­tés de mon­sieur l’ab­bé Philippe Laguérie nous les pla­çons in exten­so à la fin de notre ana­lyse [ Notes A, B et C] en même temps que la posi­tion de l’ab­bé de Tanoüarn sur la légi­ti­mi­té du NOM parue dans Valeurs Actuelles du 2 décembre 2006 [Note D].

(*)Si l’abbé Philippe Laguérie s’indigne de cette expres­sion, qu’il craigne que de nou­veau nous puis­sions trou­ver dans ses propres écrits des expres­sions sur « l’église conci­liaire » qu’il aurait écrites et déjà oubliées…

1.Préambule

1.1) En fili­grane : l’enjeu sous-​jacent est-​il bien si innocent ?…

C’est une réponse à une ques­tion posée par mon­sieur D. Balter (Note C) de Nantes. Certains prêtres de la Fraternité Saint Pie X inter­disent de rece­voir la com­mu­nion dis­tri­buée dans le cadre du NOM et inter­disent pareille­ment (au moins dans un cas cité) l’adoration des espèces eucha­ris­tiques consa­crées dans le cadre du NOM. Et pour­tant, il sem­ble­rait que la posi­tion de la Fraternité Saint-​Pie X consis­tât à refu­ser le NOM comme un rite intrin­sè­que­ment néfaste pour la foi, tout en recon­nais­sant sa vali­di­té de prin­cipe ; auquel cas, les deux inter­dic­tions citées contre­disent cette posi­tion, alors qu’elles seraient à l’inverse logiques pour quelqu’un qui consi­dè­re­rait le NOM comme non seule­ment néfaste mais même comme inva­lide. D’où deux solu­tions : soit il y a aujourd’hui quelques prêtres de la Fraternité Saint-​Pie X pour impo­ser ces deux inter­dic­tions et dans ce cas, il y a dans la Fraternité quelques prêtres (dont le supé­rieur du Séminaire de Holy Cross, en Australie) qui ne sont plus logiques avec la posi­tion de cette Fraternité ; soit tous les prêtres de la Fraternité Saint-​Pie X imposent aujourd’hui ces deux inter­dic­tions, confor­mé­ment aux vues des supé­rieurs actuels de la Fraternité, et dans ce cas aujourd’hui, tous les prêtres de la Fraternité, sous la conduite de leurs supé­rieurs actuels, adoptent une logique qui n’est plus celle de la Fraternité. Dans le pre­mier cas, la Fraternité est infil­trée par un com­plot de crypto-​schismatico-​sédévacantistes ; dans le deuxième cas, la Fraternité d’aujourd’hui n’est plus la Fraternité d’hier. Et dans les deux cas l’abbé Philippe Laguérie aura prou­vé ce qu’il vou­lait : cqfd.

1.2) En clair : un fal­la­cieux sophisme et de sophis­tiques déductions.

Le fruit d’un rite valide reste tou­jours bon. Puisque les espèces eucha­ris­tiques consa­crées dans le cadre du NOM sont le fruit d’un rite valide, ces espèces sont intrin­sè­que­ment bonnes : on peut y com­mu­nier et on peut les adorer.

Et donc, si on inter­dit expli­ci­te­ment de com­mu­nier à ces espèces ou de les ado­rer, on affirme impli­ci­te­ment que ces espèces ne sont pas intrin­sè­que­ment bonnes. Niant l’effet, on nie la cause : on nie la vali­di­té du NOM que pour­tant la Fraternité affirme en prin­cipe. Ce qui explique l’enjeu signa­lé au § 1.1).

A ce rai­son­ne­ment dou­ble­ment faux, nous oppo­se­rons tout sim­ple­ment deux dis­tinc­tions élé­men­taires.

2) Première distinction : le fruit d’un rite valide reste-​t-​il toujours bon ?

Communier, c’est rece­voir un sacre­ment, le sacre­ment de l’eucharistie. Or, l’Eglise inter­dit à tout fidèle catho­lique de rece­voir les sacre­ments, même don­nés vali­de­ment, même l’eucharistie, de la part d’un ministre schis­ma­tique ou héré­tique. Nul ne peut, sous peine d’une faute grave qui consti­tue en l’occurrence un délit, le délit de la com­mu­ni­ca­tio in sacris, rece­voir le bap­tême (même sup­po­sé valide) de la part d’un ministre pro­tes­tant, ni rece­voir la sainte com­mu­nion (même vali­de­ment consa­crée) de la part d’un ministre schis­ma­tique ortho­doxe. Ce qui montre bien que la vali­di­té d’un rite ne suf­fit pas à prou­ver que la récep­tion de son fruit soit bonne, en toutes circonstances.

Adorer le Saint-​Sacrement, c’est exer­cer la ver­tu de reli­gion, en usant là encore des fruits d’un rite vali­de­ment célé­bré. Or l’Eglise inter­dit à tout fidèle d’exercer sa ver­tu de reli­gion en conni­vence avec les schis­ma­tiques ou les héré­tiques. C’est encore le délit de la com­mu­ni­ca­tio in sacris. Il n’est pas per­mis d’aller se recueillir, d’aller prier et ado­rer Notre Seigneur, même réel­le­ment pré­sent dans le taber­nacle, si cette pré­sence réelle découle d’un rite valide mais schis­ma­tique. Là encore, nous voyons bien qu’il ne suf­fit pas qu’une hos­tie ait été vali­de­ment consa­crée pour que tout fidèle puisse et doive lui rendre l’hommage de son ado­ra­tion. Dans le cas extrême de la messe noire sata­nique, l’Eglise pré­voit même que les saintes espèces vali­de­ment consa­crées dans un tel contexte sacri­lège devront être non pas res­ti­tuées à l’adoration des fidèles (ima­gi­nez ou plu­tôt n’imaginez pas la scène …) mais tout sim­ple­ment lais­sées à leur propre cor­rup­tion naturelle.

Bref, l’usage des sacre­ments et l’exercice de la ver­tu de reli­gion, qui sup­posent l’un et l’autre la vali­di­té du rite ne font jamais abs­trac­tion de la valeur doc­tri­nale et morale de ce rite. Il en va ain­si parce que, en usant des sacre­ments et en exer­çant leur reli­gion, les fidèles doivent aus­si pro­fes­ser leur foi et leur morale. Par consé­quent, ni l’usage des sacre­ments ni l’exercice de la reli­gion ne doivent être l’occasion d’entamer la foi et la morale. L’Eglise inter­dit donc à ses fidèles l’usage des sacre­ments (même valides) don­nés par les aca­tho­liques et elle leur inter­dit aus­si d’exercer leur reli­gion dans un contexte décou­lant de ces sacrements.

Mgr Lefebvre a jugé pré­fé­rable d’étendre cette légis­la­tion de l’Eglise à l’égard des nou­veaux sacre­ments conci­liaires, la nou­velle messe en particulier :

« Ces messes nou­velles non seule­ment ne peuvent être l’ob­jet d’une obli­ga­tion pour le pré­cepte domi­ni­cal, mais on doit leur appli­quer les règle­ments cano­niques que l’Eglise a cou­tume d’ap­pli­quer à la « com­mu­ni­ca­tio in sacris » avec les cultes ortho­doxes schis­ma­tiques, et avec les cultes pro­tes­tants »(1).

« Au sujet de la nou­velle messe, détrui­sons immé­dia­te­ment cette idée absurde : si la messe nou­velle est valide, on peut y par­ti­ci­per. L’Église a tou­jours défen­du d’assister aux messes des schis­ma­tiques et des héré­tiques, même si elles sont valides. Il est évident qu’on ne peut par­ti­ci­per à des messes sacri­lèges, ni à des messes qui mettent notre foi en dan­ger »(2).

On peut certes ne pas par­ta­ger ce point de vue, notam­ment à cause des consé­quences pra­tiques qu’il entraîne. Mais on ne sau­rait en ce cas conti­nuer à se récla­mer de Mgr Lefebvre, ni même de la sainte théo­lo­gie catho­lique, en pré­ten­dant être plus sage que Salomon.

3) Deuxième distinction : les espèces eucharistiques consacrées dans le cadre du NOM sont-​elles le fruit d’un rite valide ?

Entre un rite cer­tai­ne­ment valide et un rite cer­tai­ne­ment inva­lide, ily a ce qu’on est bien obli­gé d’appeler un rite ou un sacre­ment dou­teu­se­ment valide (3). Il y cer­ti­tude quand on sait. Il y a un doute quand on ne sait pas. Un rite ou un sacre­ment est cer­tai­ne­ment valide lorsqu’on doit pré­su­mer qu’il l’est tou­jours et par­tout, puisque aucun motif objec­tif (tiré du rite lui-​même) n’est suf­fi­sant pour en dou­ter. Un rite ou un sacre­ment est dou­teu­se­ment valide lorsqu’on n’a plus cette pré­somp­tion, car il existe des motifs objec­tifs (tirés du rite lui-​même) qui sont suf­fi­sants pour pen­ser que ce rite n’est pas tou­jours et par­tout valide, et qu’il est quel­que­fois ou quelque part invalide.

Tout n’est donc pas si simple que le lais­se­rait d’abord pen­ser une alter­na­tive un peu trop mani­chéenne. Le Bref exa­men cri­tique des car­di­naux Ottaviani et Bacci dépasse par sa pro­fon­deur et sa den­si­té les dimen­sions d’une petite page d’internet. Mgr Lefebvre lui-​même s’y est repris à plu­sieurs fois, pour expli­quer toutes les nuances qui entrent en jeu dans cette ques­tion dif­fi­cile et bien délicate.

Il est vrai que les fruits d’un rite cer­tai­ne­ment valide res­tent bons, étant enten­due la pre­mière dis­tinc­tion faite au §2. Mais le rite du NOM est dou­teu­se­ment valide, car si on l’examine, on y trouve des motifs objec­tifs pour conclure qu’en usant de ce rite tout célé­brant n’aura pas for­cé­ment, tou­jours et par­tout, l’intention requise à la vali­di­té du sacre­ment de l’eucharistie, l’intention objec­tive de faire ce que fait l’Eglise (indé­pen­dam­ment de ses inten­tions sub­jec­tives et per­son­nelles dont par défi­ni­tion per­sonne ne peut juger). Parfois, l’intention y sera, par­fois elle n’y sera pas : l’inconsistance de ce rite pour­ra se prê­ter à tous les accom­mo­de­ments (4).

Il y a en effet un lien néces­saire et essen­tiel entre l’orthodoxie d’un rite et sa vali­di­té. Car le rite est la cause de l’intention du ministre, elle-​même requise à la vali­di­té. Pour avoir cette inten­tion, le ministre doit avoir la volon­té de faire ce que fait l’Eglise, quand elle donne le sacre­ment. Cette volon­té sup­pose un juge­ment qui consiste à iden­ti­fier « ce que fait l’Eglise » avec le rite du sacre­ment. Pour que l’intention requise ait lieu, il faut et il suf­fit que le ministre ait la volon­té d’employer un rite catho­lique. Il est pos­sible que le ministre n’ait pas la foi (5) ni en géné­ral vis-​à-​vis des véri­tés du dogme qui entrent en jeu dans la réa­li­sa­tion du sacre­ment (par exemple, si un pro­tes­tant qui donne le bap­tême ne croit pas au péché ori­gi­nel) ni même vis-​à-​vis de l’efficacité du sacre­ment (par exemple un juif ou un musul­man qui don­ne­rait le bap­tême). Mais ces dis­po­si­tions ne sont pas stric­te­ment requises à l’intention ; pour­vu que le ministre (héré­tique ou infi­dèle) ait la volon­té d’employer le rite catho­lique, l’intention est impli­ci­te­ment celle de l’Eglise, et elle suf­fit à la validité.

Il y aura défaut au niveau de l’intention si le rite uti­li­sé n’est pas catho­lique. Il y aura doute au niveau de l’intention si le rite uti­li­sé est dou­teu­se­ment catho­lique. Dans le pre­mier cas, le rite est cer­tai­ne­ment inva­lide, dans le second il est dou­teu­se­ment valide. Un exemple peut nous aider à com­prendre cela. Nous savons en effet que par la Bulle Apostolicae curae du 13 sep­tembre 1896, le pape Léon XIII tranche avec auto­ri­té pour dire que le rite uti­li­sé pour consa­crer les prêtres ou les évêques par les angli­cans donne la cer­ti­tude morale qu’il n’y a pas l’intention requise chez le ministre (que celui-​ci soit par ailleurs vali­de­ment consa­cré ou pas). L’expression de Léon XIII est très pré­cise : il ne dit pas que ce rite est inva­lide par vice de forme sacra­men­telle ; il dit que ce rite est inva­lide par vice d’intention. En effet, ce rite a connu deux ver­sions suc­ces­sives. De 1550 à 1662, les angli­cans uti­lisent un rite qui est de toutes façons inva­lide par vice de forme sacra­men­telle (6). Depuis 1662, la ver­sion révi­sée est telle qu’on pour­rait nier l’invalidité par vice de forme sacra­men­telle (7). Mais, comme l’explique Léon XIII (8), la forme n’est jamais uti­li­sée telle quelle, comme une pièce déta­chée et abs­traite du rite. Elle est uti­li­sée dans le contexte d’un rite qui en déter­mine le sens et qui va ain­si condi­tion­ner l’intention du ministre. Il est pos­sible qu’à s’en tenir aux seules paroles de la forme, prises lit­té­ra­le­ment et abs­trac­tion faite de tout le rite, rien ne s’oppose à la vali­di­té. Mais il est pos­sible qu’avec cela, si on s’en tient au sens que ces paroles revêtent dans le contexte de tout le rite, telles que le ministre les uti­lise concrè­te­ment, la vali­di­té soit mise en ques­tion. On doit donc soi­gneu­se­ment dis­tin­guer les deux condi­tions requises à la vali­di­té : d’une part condi­tion requise du côté de la forme sacra­men­telle prise à l’état pur, en fonc­tion des paroles lit­té­rales et abs­traites du rite ; d’autre part condi­tion requise du côté de l’intention, en fonc­tion du sens que le contexte de tout le rite va don­ner à ces paroles, dans l’usage concret que le ministre en fait. Si le rite donne aux paroles de la forme sacra­men­telle une signi­fi­ca­tion qui n’est pas celle de l’Eglise catho­lique, ou qui l’est dou­teu­se­ment, le ministre recou­rant à ce rite n’aura pas ou aura dou­teu­se­ment l’intention de faire ce que fait l’Eglise.

La dif­fi­cul­té que pose le nou­veau rite de la messe de 1969, réfor­mé par le pape Paul VI, se pose en des termes com­pa­rables. Elle vient de ce que les paroles de tout l’ensemble du nou­veau rite (et non les seules paroles lit­té­rales de la consé­cra­tion qui, dans l’abstrait du rite, pour­raient suf­fire à la vali­di­té) ne suf­fisent plus à garan­tir l’intention requise chez le célé­brant. Ce rite, sans être posi­ti­ve­ment héré­tique, favo­rise l’hérésie à cause de son ambi­guï­té et de ses omis­sions graves, c’est un rite entiè­re­ment nou­veau, dont des experts hau­te­ment qua­li­fiés on pu dire qu’il « s’éloigne de manière impres­sion­nante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théo­lo­gie catho­lique de la sainte messe telle qu’elle a été for­mu­lée à la 20e ses­sion du concile de Trente » (9). Ce rite est équi­voque, au point de sug­gé­rer (sans tou­jours l’avouer fran­che­ment) une doc­trine non plus catho­lique mais héré­to­doxe, et donc au point de condi­tion­ner chez le célé­brant une inten­tion qui ne serait plus celle de l’Eglise.

Dans une confé­rence du 15 février 1975, Mgr Lefebvre le dit très clairement :

« Tous ces chan­ge­ments dans le nou­veau rite sont vrai­ment périlleux, parce que peu à peu sur­tout pour les jeunes prêtres qui n’ont plus l’idée du sacri­fice, de la pré­sence réelle, de la trans­sub­stan­tia­tion et pour les­quels tout cela ne signi­fie plus rien, ces jeunes prêtres perdent l’intention de faire ce que fait l’Eglise et ne disent plus de messes valides. Certes, les prêtres âgés, quand ils célèbrent selon le nou­veau rite, ont encore la foi de tou­jours. Ils ont dit la messe avec l’ancien rite durant tant d’années, ils en gardent les mêmes inten­tions, on peut croire que leur messe est valide. Mais, dans la mesure où ces inten­tions s’en vont, dis­pa­raissent, dans cette mesure les messes ne seront plus valides »(10).

C’est aus­si le sens de la cri­tique adres­sée au pape Paul VI par les car­di­naux Ottaviani et Bacci dès 1969 :

« La por­tée des paroles de la consé­cra­tion telles qu’elles figurent dans le Novus ordo y est condi­tion­née par tout le contexte. Ces paroles peuvent assu­rer la vali­di­té en rai­son de l’intention du ministre, mais elles ne le font pas ex vi ver­bo­rum ou plus exac­te­ment en ver­tu du modus signi­fi­can­di qui leur est asso­cié dans le Canon de saint Pie V. Il se peut donc que ces paroles n’assurent pas la vali­di­té de la consé­cra­tion. Les prêtres qui dans un proche ave­nir n’auront pas reçu la for­ma­tion tra­di­tion­nelle et qui se fie­ront au Novus ordo pour faire ce que fait l’Église, consacreront-​ils vali­de­ment ? Il est légi­time d’en dou­ter »(11).

Les paroles lit­té­rales de la double consé­cra­tion sont ce qu’elles sont en ver­tu des mots eux-​mêmes (ex vi ver­bo­rum). Mais il n’y a pas dans la messe que les paroles de la consé­cra­tion ; il y a aus­si tout le contexte qui les entoure et qui peut en modi­fier le sens. Tout va dépendre de ce que le rite va leur faire dire (en ver­tu de la manière dont il explique le sens des paroles de la consé­cra­tion : modus signi­fi­can­di). Si le rite explique que l’on recourt à ces paroles pour réa­li­ser effi­ca­ce­ment le mys­tère sacra­men­tel de la trans­sub­stan­tia­tion, nous aurons affaire à une messe catho­lique célé­brée vali­de­ment : c’est le cas dans la messe de saint Pie V. Mais si le rite laisse entendre que l’on recourt à ces mêmes paroles pour faire le « récit de l’institution », comme c’est le cas dans la nou­velle messe, le célé­brant, igno­rant toute la théo­lo­gie tra­di­tion­nelle de la messe et lais­sé aux seules res­sources de ce rite incon­sis­tant, fera non plus ce que fait l’Eglise, c’est-​à-​dire la trans­sub­stan­tia­tion, mais le simple mémo­rial de la pas­sion et de la mort de Jésus.

Mgr Lefebvre insis­tait sur l’importance de ce juge­ment du Bref exa­men cri­tique des car­di­naux Ottaviani et Bacci :

« J’ai eu l’occasion […] de relire le petit fas­ci­cule que vous connais­sez bien, évi­dem­ment, le Bref Examen cri­tique du Novus ordo missæ, qui a été approu­vé par les car­di­naux Ottaviani et Bacci. Il y a une note dans ce petit fas­ci­cule qu’il est bien utile de relire à pro­pos des paroles de la consé­cra­tion, qui, depuis l’introduction du nou­vel ordo, ont été l’occasion de dis­cus­sions et de consi­dé­ra­tions mul­tiples. Je puis vous dire que ce qui s’y trouve repré­sente ce que per­son­nel­le­ment j’ai tou­jours consi­dé­ré comme l’appréciation la plus exacte sur la vali­di­té ou l’invalidité du Novus ordo missæ. Cela a une cer­taine impor­tance, en rai­son des dis­cus­sions actuelles sur ce sujet » [Mgr cite le pas­sage ci-​dessus]. Voyez, c’est ce que je crois avoir tou­jours affir­mé : il y aura de plus en plus de messes inva­lides à cause de la for­ma­tion des jeunes prêtres qui n’auront plus l’intention véri­ta­ble­ment de faire ce que fait l’Église. Faire ce que fait l’Église, ça veut dire faire ce qu’a tou­jours fait l’Église, ce que fait l’Église d’une manière – je dirais presque si l’on pou­vait le dire – éter­nelle. Alors ces jeunes prêtres n’auront pas l’intention de faire ce que fait l’Église, parce qu’on ne leur aura pas ensei­gné que la messe est un véri­table sacri­fice. Ils n’auront pas l’intention de faire un sacri­fice ; ils auront l’intention de faire une Eucharistie, un par­tage, une com­mu­nion, un mémo­rial, ce qui n’a rien à voir avec la foi dans le sacri­fice de la messe. Donc à ce moment-​là, à mesure que ces prêtres défor­més n’auront plus du tout l’intention de faire ce que fait l’Église, les messes seront de plus en plus inva­lides évi­dem­ment » (12).

Et c’est d’ailleurs ce juge­ment que Mgr Lefebvre a vou­lu clai­re­ment expri­mer dans la Déclaration (13) de fidé­li­té aux posi­tions de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X :

« J’admets que les messes célé­brées selon le nou­veau rite ne sont pas toutes inva­lides. Cependant, eu égard aux mau­vaises tra­duc­tions du NOM, à son ambi­guï­té qui favo­rise son inter­pré­ta­tion dans un sens pro­tes­tant et à la plu­ra­li­té de ses modes de célé­bra­tion, je recon­nais que le dan­ger d’invalidité est très grand »(14).

Tous les futurs prêtres issus des sémi­naires de la Fraternité sont invi­tés à sous­crire à cette Déclaration, avant de rece­voir les ordres majeurs. On y voit bien que les choses sont quand même moins simples que ne lais­se­rait le croire un juge­ment péremp­toire, « par sic et non », comme auraient dit nos sco­las­tiques. Dans sa sagesse, Mgr Lefebvre a déter­mi­né la nature pré­cise de la dif­fi­cul­té posée par le NOM avec beau­coup plus de nuances. Le NOM est-​il valide ? Est-​il inva­lide ? La ques­tion ne se pose pas ain­si, sur un plan théo­rique et abs­trait. Le NOM est avant tout un rite incon­sis­tant et ambi­gu ; à lui seul, il peut ser­vir indif­fé­rem­ment pour une messe valide ou pour une messe inva­lide. La ques­tion va donc se poser au niveau des messes, sur le plan concret de la célé­bra­tion : elles ne seront pas toutes inva­lides, mais vu l’ambiguïté du rite, le risque existe et il est même « très grand ».

Telle a tou­jours été la posi­tion de Mgr Lefebvre. La Fraternité Saint-​Pie X la tient encore. On peut certes s’en sépa­rer, parce qu’on en refuse les consé­quences pra­tiques. Mais c’est alors se sépa­rer de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint-​Pie X (celle d’hier et celle d’aujourd’hui), sur un point essen­tiel de leur combat.

4) L’enjeu et la portée de ces distinctions.

Mgr Lefebvre a tou­jours consi­dé­ré ce nou­veau rite réfor­mé de Paul VI comme illé­gi­time. Certes, le pape Paul VI a vou­lu impo­ser cette réforme, mais cela ne suf­fit pas pour qu’il y ait de sa part un exer­cice de l’autorité légi­time. Le pape peut abu­ser de son pou­voir, et nul doute que Paul VI soit quand même sor­ti des limites de ses attri­bu­tions en pro­mou­vant un rite si éloi­gné de la défi­ni­tion catho­lique de la messe. L’abbé Philippe Laguérie citait d’ailleurs encore il y a quelques temps (15) les prin­ci­pales études théo­lo­giques sur les­quelles la Fraternité Saint-​Pie X s’est tou­jours appuyée pour conclure à l’illégitimité fon­cière du nou­veau rite. Il recom­man­dait « sur­tout l’excellent ouvrage de Da Silveira (Chiré) : La nou­velle messe de Paul VI, qu’en pen­ser ? ».

Le dif­fé­rent qui oppose les tenants des deux rites n’est donc pas seule­ment de por­tée théo­lo­gique : on ne dis­cute pas ici comme le font les théo­lo­giens sur quelque point secon­daire et acces­soire, qui somme toute ne remet­trait pas vrai­ment en ques­tion l’unité doc­tri­nale, l’unité de la foi et des mœurs consti­tu­tive de l’Eglise. L’ampleur de la résis­tance déployée par Mgr Lefebvre (jusqu’à encou­rir la sus­pense a divi­nis en 1976 (16)) serait dis­pro­por­tion­née dans le cadre d’une simple contro­verse théo­lo­gique. Il y a ici bien davan­tage que de la théo­lo­gie, car l’adage garde tout son point : « legem cre­den­di sta­tuat lex sup­pli­can­di ». Le rite de la messe exprime la foi de l’Eglise. Changer le rite c’est chan­ger la foi. Et c’est donc aus­si chan­ger l’Eglise. Qu’on le veuille ou non.

Le nou­veau rite réfor­mé de Paul VI ne peut pas être mis sur le même rang que le rite tra­di­tion­nel de saint Pie V.

« Comparer la réforme actuelle à la réforme ou plu­tôt à l’acte par lequel saint Pie V a cano­ni­sé le rite latin de la messe dans le but de pro­té­ger la foi contre l’idéologie pro­tes­tante est faire preuve d’une igno­rance grave de l’histoire tant du concile de Trente que de l’histoire du concile Vatican II et de sa réforme litur­gique. D’un côté tout est mis en œuvre pour pro­té­ger l’expression tra­di­tion­nelle de la vraie foi ; de l’autre l’idée œcu­mé­niste a tel­le­ment atté­nué cette expres­sion que le doute enva­hit l’esprit des fidèles et celui des prêtres » (17).

Le seul rite romain légi­time qui garde encore toute force de loi dans la sainte Eglise est le rite de la messe de saint Pie V, le rite tra­di­tion­nel. Le rite réfor­mé de Paul VI est un intrus, il n’est pas seule­ment moins bon que le rite tra­di­tion­nel et ce der­nier n’est pas seule­ment pré­fé­rable. Le rite de saint Pie V est bon et légi­time ; le rite de Paul VI est mau­vais et illé­gi­time. A moins d’affirmer cela, nul ne pour­ra refu­ser en prin­cipe de célé­brer la nou­velle messe (18).

Si l’on se contente de dire que « la messe tra­di­tion­nelle relève du rite romain » (19), on intro­duit une dis­tinc­tion dont la por­tée n’est pas petite, car c’est la dis­tinc­tion entre la par­tie et le tout, celle-​là n’étant pas le der­nier mot de celui-​ci… C’est d’ailleurs le même genre de dis­tinc­tion que l’on trouve déjà dans les textes du concile Vatican II, lorsque la consti­tu­tion Lumen gen­tium sur l’Eglise affirme que « l’Eglise du Christ sub­siste dans l’Eglise catho­lique » : le tout se réa­lise dans cha­cune de ses par­ties, plus ou moins selon les par­ties, mais tou­jours et par­tout, en cha­cune d’elles. Au milieu de ces par­ties, l’Eglise catho­lique n’est plus que pré­fé­rable, meilleure, car elle pos­sède la plé­ni­tude des moyens de salut. Pareillement, on dira que le rite romain sub­siste dans la messe tra­di­tion­nelle de saint Pie V. Le rite romain dépasse les limites du mis­sel tra­di­tion­nel ; il englobe aus­si, bien sûr, le nou­veau mis­sel de Paul VI. Libre à cer­tains de pré­fé­rer l’usage du mis­sel de saint Pie V, parce qu’ils le consi­dèrent comme meilleur. Mais c’est une simple ques­tion d’usage ; pour l’essentiel, les deux rites s’équivalent dans leur défi­ni­tion de rite romain, bon et légitime.

Telle est désor­mais la posi­tion de l’abbé Philippe Laguérie et de l’Institut du Bon Pasteur. « A saint Eloi, ce n’est pas à pro­pre­ment par­ler le rite qui déter­mine la paroisse (la messe de Saint Pie V n’est pas un autre rite que le rite romain) mais un « autre motif : l’usage litur­gique » (20). Il est alors logique de sa part de contes­ter la cri­tique radi­cale que pour­suit envers et contre tous la Fraternité Saint-​Pie X. Là où son illo­gisme nous étonne, c’est lorsqu’il objecte cette cri­tique à la Fraternité, en lui repro­chant de renier ses ori­gines. Cela est inquié­tant, car l’abbé Philippe Laguérie montre ain­si qu’il ne com­prend plus grand chose ni à la Fraternité Saint Pie X ni aux véri­tables enjeux de la réforme litur­gique de Paul VI.

Abbé Régis de Cacqueray,
Supérieur du District de France

Notes

NOTE A – Question de François-​Xavier Peron et réponse de l’ab­bé Philippe Laguérie (22 février 2007)

Question : Monsieur l’ab­bé, Vous dites que la FSSPX jouit du rite tri­den­tin de fait mais non de droit contrai­re­ment à votre ins­ti­tut. Mais ce rite n’est-​il pas un droit per­pé­tuel accor­dé par la bulle his­to­rique de St Pie V à ce sujet ? N’est-​ce pas au contraire votre érec­tion, qui don­nant à l’IBP un « droit » à la litur­gie tri­den­tine, se trouve de fait dans l’illé­ga­li­té ? Et cette ques­tion s’ap­plique d’au­tant plus à toute la mou­vance Ecclesia Dei. Au maxi­mum, on vous a accor­dé quelque chose auquel vous aviez droit, ni plus ni moins. Qu’en pensez-​vous ? Merci. François-​Xavier Peron

Réponse : Cher Monsieur Peron, Votre ques­tion me plait, beau­coup plus par sa sub­tile dia­lec­tique interne que par son fond. Mais bra­vo, vous avez su me pro­vo­quer à vous don­ner cette réponse. Une petite para­bole, si vous le voulez-​bien. Votre femme vient d’ac­cou­cher et vous voi­là papa, d’un apol­lon du Belvédère, évi­dem­ment ; bra­vo encore ! Vous allez fiè­re­ment décla­rer votre pro­gé­ni­ture en mai­rie et vous tom­bez sur un offi­cier d’état-​civil qui, gen­ti­ment et de mille manières, vous féli­cite de votre exploit. Mais quand il enre­gistre votre pater­ni­té vous lui sau­tez à la gorge en lui expli­quant que c’est un droit et que sa gen­tillesse il peut se la gar­der ! Gageons que vous ne lui met­tez pas un coup de boule ! Une ques­tion : qu’eussiez-​vous fait alors, s’il ne vous avait pas congra­tu­lé ou, pire encore, s’il avait mis en doute votre pater­ni­té et atten­té à l’hon­neur de votre épouse. Nous sommes ici dans ce der­nier cas, notez-​le bien. Voilà des dizaines d’an­nées qu’on nous conteste ce droit que nous avons à la messe tra­di­tion­nelle et quand on le recon­naît enfin, vous affir­mez que cette recon­nais­sance est un déni ! C’est sans solu­tion. Vous mélan­gez allè­gre­ment, et avec quelque malice semble-​t-​il parce que vous m’a­vez l’air intel­li­gent, le droit lui-​même (qu’au­cun de nous ne conteste) et sa recon­nais­sance par l’Autorité. Seriez-​vous de ces posi­ti­vistes juri­diques, fort amu­sants s’ils n’é­taient par­ti­cu­liè­re­ment dan­ge­reux ? Non pas : ils ne recon­naissent de légi­ti­mi­té qu’à la léga­li­té. Vous faites bien plus : la légi­ti­mi­té dis­pa­raît avec la léga­li­té. Et même avec la recon­nais­sance de celle-​ci. Vous répon­drez sans doute que la messe tra­di­tion­nelle était non seule­ment légi­time mais encore légale. Soit. C’est jus­te­ment cela qui est recon­nu et cela devrait vous réjouir.Un contre exemple inté­res­sant : la nou­velle messe. Vous ne pour­riez contes­ter sa légi­ti­mi­té qu’en atta­quant sa léga­li­té ? A moins d’être sede­va­can­tiste c’est bigre­ment léger. Avouez que l’ar­gu­ment serait déri­soire par rap­port à l’en­jeu ! C’est dans son fond que nous récu­sons la nou­velle litur­gie et non dans son droit, dans sa légi­ti­mi­té et non dans sa léga­li­té. Et je vous sou­haite d’en faire autant parce qu’à ce compte on passe rapi­de­ment de la litur­gie de Grégoire 1er à celle de Paul VI . Merci. Vous m’a­vez bien déten­du (je parle vrai) et si vous en avez d’autres comme celle là, n’hé­si­tez sur­tout pas. Au fait, si vous êtes marié, mes res­pects à la digne épouse d’un par­fait hon­nête homme. Abbé Philippe Laguérie

Note B : Question de Luc Jaulin et réponse de l’ab­bé Philippe Laguérie (17 avril 2007)

Question : Monsieur l’Abbé, L’abbé de Cacqueray affirme dans sa Lettre aux amis et bien­fai­teurs du mois d’a­vril, que vous-​même et l’Institut du Bon Pasteur, vous avez recon­nu la « légi­ti­mi­té » de la réforme de Paul VI (d’a­près un entre­tien de l’ab­bé de Tanoüarn dans Valeurs actuelles). Cette affir­ma­tion me laisse per­plexe. En effet, d’a­près ce qui a été dit de vos sta­tuts, vos prêtres célèbrent exclu­si­ve­ment le rite romain tra­di­tion­nel et il me semble que devant l’Église, vous défen­dez mieux encore que la Fraternité St Pie X la légi­ti­mi­té de ce rite bru­ta­le­ment sup­pri­mé en 1970. Dans ce contexte, que signi­fie exac­te­ment le terme « légi­ti­mi­té » appli­qué à la litur­gie ? [Qu’en est-​il selon vous de la posi­tion de l’ab­bé de Cacqueray : tiendrait-​il impli­ci­te­ment la nou­velle messe pour inva­lide ?] Luc Jaulin, Nantes

Réponse : Cher ami, Telle qu’elle est for­mu­lée par M. l’ab­bé de Cacqueray dans la lettre aux amis et bien­fai­teurs n° 70 d’a­vril 2007, la posi­tion de l’Institut du Bon Pasteur sur la messe est cari­ca­tu­rée jus­qu’à la faus­se­té. Citons le pas­sage : « Nous ne pou­vons donc que pro­tes­ter lorsque des prêtres, qui ont obte­nu pour eux l’au­to­ri­sa­tion de célé­brer selon l’an­cien rite – qu’il s’a­gisse de prêtres de la Fraternité Saint-​Pierre ou désor­mais de l’Institut du Bon Pasteur – affirment pour les pre­miers l’or­tho­doxie de la nou­velle messe et, pour les autres, ont déjà admis sa légi­ti­mi­té ». Où donc l’ab­bé de Cacqueray a‑t-​il pio­ché cette posi­tion don­née par lui comme étant celle des prêtres du Bon Pasteur ? Dans un docu­ment offi­ciel dudit Institut ? Dans une com­mu­ni­ca­tion de son supé­rieur ? Pas du tout ! Mais dans un entre­tien de l’ab­bé de Tanoüarn avec un jour­na­liste dans Valeurs Actuelles, faus­se­ment inter­pré­té hors de son contexte et défor­mé comme nous allons le voir. Du reste, la Fraternité saint Pie X ne reconnaît-​elle pas la légi­ti­mi­té de la messe en fran­çais face au peuple, pro­po­sée offi­ciel­le­ment aux prêtres dio­cé­sains comme une étape par l’ab­bé de la Rocque, dans sa lettre d’ac­com­pa­gne­ment du DVD sur le rite de St Pie V (cf. le mes­sage « Lettre de l’ab­bé de la Rocque » du 11 février 2007 sur ce blog) ? A ce compte et avec les mêmes méthodes, je pour­rais tout aus­si aisé­ment « démon­trer » que la FSSPX admet la pos­sible légi­ti­mi­té de la « messe Pie-​Paul » envi­sa­gée par l’ab­bé Celier (cf son livre Benoît XVI et les tra­di­tio­na­listes, approu­vé par l’ab­bé de Cacqueray), et mille autres choses sem­blables. Dieu me pré­serve tou­te­fois de ce genre d’a­mal­game intel­lec­tuel­le­ment dou­teux. Voyons à pré­sent la phrase incri­mi­née de notre cher confrère avant d’ou­vrir la vraie ques­tion. Il s’a­git d’un débat avec Jean-​Pierre Denis (eh oui !) paru dans Valeurs actuelles en date du 2 décembre 2006. Tout ceci a de l’im­por­tance. Car pré­ci­sé­ment, au cours du long para­graphe qui pré­cède, l’ab­bé de Tanoüarn vient de rap­pe­ler for­te­ment ce qui dis­tingue essen­tiel­le­ment les deux rites : l’as­pect mis ou non sur la valeur sacri­fi­cielle de la messe. Et de conclure que la pré­fé­rence pour le rite tra­di­tion­nel est donc, sur ce motif, « pro­fonde et non sub­jec­tive ou esthé­tique ». Dès lors, le mot légi­time uti­li­sé dans la conclu­sion ne peut évi­dem­ment pas avoir le sens que lui prête l’ab­bé de Cacqueray dans son amal­game avec ortho­doxe. Il prend ana­lo­gi­que­ment, s’a­gis­sant d’une loi litur­gique de l’Église qui est de consti­tu­tion divine, le sens que lui donne le dic­tion­naire Larousse : « qui a les qua­li­tés requises par la loi ». Ou le pre­mier sens don­né par le Petit Robert : « qui est juri­di­que­ment fon­dé, consa­cré par la loi ». Citons l’ab­bé de Tanoüarn : « Cela dit, bien enten­du, si au nom de cette pré­fé­rence [pour le rite tra­di­tion­nel], on ana­thé­mise tous les autres et on dit que le rite réno­vé n’est pas légi­time, on a rien à faire dans l’Eglise ». Il est donc mani­feste que le terme légi­time employé ici pour qua­li­fier le nou­veau rite désigne d’a­bord sa cause effi­ciente, l’Autorité com­pé­tente en la matière et son droit à légi­fé­rer en ce domaine. L’utilisation de cette cita­tion pour faire dire à l’ab­bé de Tanoüarn (et par lui, on l’a vu, à tous les prêtres de l’Institut !) que le conte­nu du rite nou­veau serait entiè­re­ment bon est sim­ple­ment frau­du­leuse. A y bien regar­der, c’est même trai­ter son cou­sin de sot, lequel vient d’af­fir­mer le contraire sur un para­graphe entier. Considéré sous le seul aspect de la puis­sance à légi­fé­rer le mot légi­time a bien le sens fran­çais pre­mier de légal. Et j’ose espé­rer, tou­jours sous cet aspect, que la Fraternité tient bien cette thèse. L’abbé de Tanoüarn explique par ailleurs dans un article d’Objections n° 8, p. 18 l’u­sage qu’il fait du terme : « Ce qu’il faut consi­dé­rer avant tout, plu­tôt que de s’é­tri­per sur les posi­tions des uns ou des autres, c’est la légi­ti­mi­té que cha­cun pos­sède à se décla­rer catho­lique. » Si l’on se réfère donc à l’in­ten­tion de l’au­teur, ce qu’il entend par légi­ti­mi­té du nou­veau rite, c’est la consti­tu­tion même de l’Église qui garan­tit que ceux qui observent cor­rec­te­ment ce rite ne peuvent être décla­rés par qui­conque membres (ou ministres) illé­gi­times de l’Église romaine. Le res­pect mutuel et l’a­pai­se­ment entre catho­liques en dépend, au cour même des dis­cus­sions doc­tri­nales sur la Messe. Mais une autre consi­dé­ra­tion capi­tale saute à l’es­prit : ce que l’ab­bé de Tanoüarn appelle légi­ti­mi­té se rap­porte concrè­te­ment, non à une pré­ten­due obli­ga­tion de célé­brer ce nou­veau rite, mais tout sim­ple­ment à sa vali­di­té, recon­nue comme telle, en son prin­cipe, par la Fraternité saint Pie X, ain­si que l’ab­sence d’hé­ré­sie for­melle dans son conte­nu – ce qui ne signi­fie pas que ce conte­nu soit bon et sans dan­ger. Tout concourt à le démon­trer, en effet : s’il pou­vait arri­ver qu’un rite uni­ver­sel, pro­mul­gué par l’Autorité com­pé­tente, soit inva­lide et for­mel­le­ment héré­tique, alors oui, les portes de l’Enfer auraient pré­va­lu sur l’Épouse de Jésus-​Christ. Ce qui est impos­sible. Le sens de la Foi, que pos­sèdent les fidèles bien mieux que les théo­lo­giens, le clame hau­te­ment. J’invite donc notre cher confrère, M. l’ab­bé de Cacqueray, à se res­sou­ve­nir du ser­ment qu’il a dû prê­ter lui-​même sur ce point avant son ordi­na­tion, affir­mant certes, l’am­bi­guï­té dans l’ex­pres­sion de la foi aux saints Mystères, mais admet­tant la « vali­di­té » intrin­sèque et « l’ab­sence d’hé­ré­sie for­melle » dans la Messe de Paul VI. En prê­tant ce ser­ment exi­gé par Ecône à ses futurs prêtres, les abbés de la Fraternité ont tous juré qu’ils admet­taient en ce sens la légi­ti­mi­té du nou­veau rite, défi­nie telle qu’on l’a dit : rite pro­mul­gué par l’au­to­ri­té com­pé­tente de l’Église, par consé­quent exempt d’hé­ré­sie for­melle, et en lui-​même valide – de sorte que se renier sur ce point revien­drait non seule­ment à dou­ter de la consti­tu­tion divine de l’Église, mais serait encore un par­jure. Il faut donc être très clairs et pré­cis sur la cri­tique théo­lo­gique construc­tive que nous pro­po­sons, vous et nous, de la réforme litur­gique. Nous affir­mons que l’a­bro­ga­tion du rite gré­go­rien, impo­sée dans les faits et non en droit en 1970, a été, elle, bel et bien gra­ve­ment illé­gi­time, comme l’a démon­tré l’an­nexe au livre Le Problème de la réforme litur­gique paru en 2001, et comme l’ont recon­nu depuis de nom­breux car­di­naux. Cette illé­gi­ti­mi­té radi­cale n’a-​t-​elle pas fon­dé Mgr Lefebvre à « déso­béir » légi­ti­me­ment, en se sous­trayant à la fausse obli­ga­tion de célé­brer le rite nou­veau (cf le ch. 13 du livre de l’ab­bé Héry, Non lieu sur un schisme) ? Nous conti­nuons d’af­fir­mer de sur­croît que la réforme Bunigni-​Paul VI, de par son conte­nu et non de par l’au­to­ri­té de sa pro­mul­ga­tion, « s’é­loigne de façon impres­sion­nante de la théo­lo­gie catho­lique de la Messe telle que défi­nie au concile de Trente », comme le signèrent si bien les car­di­naux Ottaviani et Bacci à l’é­poque. Faire dire autre chose à l’Institut du Bon-​Pasteur est une pure dif­fa­ma­tion qui se doit d’être répa­rée. Abbé Philippe Laguérie

Note C : Question de D. Balter et réponse de l’ab­bé Philippe Laguérie (3 avril 2007)

Question : Bonjour M. l’ab­bé, Un prêtre de la FSSPX m’a dit il y a quelques mois que je ne devais pas com­mu­nier avec une hos­tie consa­crée à une messe de Paul VI. Selon lui, la com­mu­nion est l’acte le plus fort d’ap­pro­ba­tion du rite. De même, j’ai cru lire que le supé­rieur du sémi­naire de la FSSPX en Australie inter­dit à ses ouailles de par­ti­ci­per à une ado­ra­tion eucha­ris­tique où l’hos­tie expo­sée a été consa­crée au cours d’une messe de Paul VI. Je suis un peu sur­pris car depuis bien­tôt 20 ans que je fré­quente les cha­pelles de la FSSPX, j’a­vais cru com­prendre que si l’as­sis­tance à la nou­velle messe était bien sûr décon­seillée, ces ques­tions de com­mu­nion et d’a­do­ra­tion occa­sion­nelles étaient plu­tôt lais­sées à la dis­cré­tion des fidèles. Je me sou­viens aus­si qu’à plu­sieurs occa­sions (pèle­ri­nages, mariages dans des églises parois­siales) j’ai vu des prêtres de la Fraternité pui­ser dans les taber­nacles des sanc­tuaires en ques­tion pour dis­tri­buer la com­mu­nion aux fidèles. D’où mes ques­tions : Quelle était la posi­tion « offi­cielle » de la FSSPX sur ce sujet dans les années 80/​90 ? Cette posi­tion a‑t-​elle chan­gé ? Quelle est main­te­nant la posi­tion de l’IBP ? Merci d’a­vance pour vos réponses et croyez en mes res­pec­tueux et néan­moins cor­diaux sen­ti­ments. D Balter – Nantes

Réponse : Bien cher mon­sieur Balter, Vous me deman­dez, en sorte, quelle est la posi­tion de la Fraternité saint Pie X sur les espèces eucha­ris­tiques. Ma pre­mière réac­tion est tout natu­rel­le­ment de vous conseiller de le leur deman­der. Je n’ai évi­dem­ment aucun man­dat pour répondre au nom de la Fraternité, même si les jour­na­listes, depuis quatre ans, conti­nuent de me sol­li­ci­ter comme « porte-​parole » de ladite Fraternité. Mais avant qu’un jour­na­liste com­prenne une situa­tion reli­gieuse, comme dit l’autre, les poules auront des dents ! Pour vous faire rire : une anec­dote. En 1995, au pèle­ri­nage de Chartes, le jour­na­liste de FR3 m’a­borde et me demande s’il pou­vait ren­con­trer Mgr Lefebvre (décé­dé en 91 comme cha­cun sait, à l’ex­cep­tion de ce spé­cia­liste). Je me suis conten­té de répondre que Mgr était un peu fati­gué ; mais que, s’il vou­lait bien, je pou­vais lui ména­ger une inter­view avec le vieux Pie V, encore plus pres­ti­gieux, qui se trou­vait là. Il m’a sui­vi de cha­pitre en cha­pitre pen­dant un petit moment, jus­qu’à ce que je me retourne pour lui dire que l’un était mort depuis quatre ans et l’autre depuis quatre siècles. Du temps, pas si loin­tain, où je ser­vais Dieu dans la Fraternité on ensei­gnait ceci (et il n’y a aucune rai­son pour que les choses aient chan­gé depuis). La nou­velle messe, célé­brée selon les rubriques du mis­sel de Paul VI, mises de côté les aber­ra­tions de célé­brants fan­tai­sistes et impies, est valide. Dès lors le res­pect et l’a­do­ra­tion dûs aux espèces eucha­ris­tiques est en tout point sem­blable à celui du fruit de la messe gré­go­rienne. Sans pré­ju­dice de l’a­na­lyse théo­lo­gique fort dif­fé­rente por­tée sur les rites eux-​mêmes. Vous me direz qu’on ne sait jamais ce qu’un prêtre a pu inven­ter dans sa der­nière célé­bra­tion, (il est vrai, hélas) étant pré­su­mée tota­le­ment bonne son inten­tion ; là-​dessus je suis réso­lu­ment tho­miste, c’est-​à-​dire exter­niste, un homme ayant l’in­ten­tion de faire tout bon­ne­ment ce qu’il fait. Nous n’a­vons pas, sal­vo meliore judi­cio, à juger de cette hypo­thèse qui ne tient compte que de la cir­cons­tance invé­ri­fiable pour nous en tenir à la règle mora­le­ment pro­bable. Je vous rap­pelle qu’une pro­ba­bi­li­té, au sens tho­miste, est lar­ge­ment suf­fi­sante et même contrai­gnante de l’a­gir moral. La conclu­sion est claire et sans dis­cus­sion pos­sible, mis de côté les simples états d’âmes : la véné­ra­tion et l’u­ti­li­sa­tion des espèces eucha­ris­tiques est équi­va­lente eu égard à leur consé­cra­tion dans l’an­cien ou le nou­veau rite. Ce qui, encore une fois, ne dit rien sur la dif­fé­rence théo­lo­gique pro­fonde des deux rites eux-​mêmes. Je suis prêt à me rétrac­ter sur ce point si quel­qu’un par­vient à me démon­ter le contraire, à savoir que : la nou­velle messe étant recon­nue comme valide et compte tenu des règles de la morale ci-​dessus rap­pe­lées, il faille vouer aux espèces eucha­ris­tiques un culte (de latrie) dif­fé­rent selon le rite de la messe qui les confec­tionnent. Vous note­rez au pas­sage que vous ne pou­vez soup­çon­ner l’in­ten­tion du célé­brant qu’en cas de dif­for­mi­té du rite lui-​même (tou­jours la thèse tho­miste). Ceci valant pour tout rite. Dès lors, si vous affir­mez que le rite, quel qu’il soit, est valide, vous vous inter­di­sez de juger de l’in­ten­tion du célé­brant au regard de la confec­tion véri­table de la pré­sence réelle et du renou­vel­le­ment du sacri­fice du Seigneur, accom­plis dans le même acte, comme on sait. C’est la vali­di­té du rite qui est ici seule en jeu. La per­ver­si­té de l’in­ten­tion (qui peut aller jus­qu’aux messes noires !) n’a rien à voir avec notre débat. Que cela vous plaise ou non, vous devriez ado­rer le Seigneur dans le fruit eucha­ris­tique d’une messe noire célé­brée par un prêtre vali­de­ment ordon­né, ayant l’in­ten­tion de faire ce que fait l’Eglise et qui, évi­dem­ment, uti­lise un rite valide. Vous pou­vez consta­ter que l’I.B.P, la Fraternité saint Pie X et tous les théo­lo­giens catho­liques tiennent et doivent tenir le même lan­gage qui est celui de la théo­lo­gie catho­lique et de son Docteur Commun : Saint Thomas d’Aquin. Il n’y a que ceux qui tiennent la nou­velle messe pour inva­lide qui peuvent avoir un com­por­te­ment dif­fé­rent. Mais nous embar­que­rions là, cher ami, sur une nou­velle galaxie qui a ceci de par­ti­cu­lier que ses habi­tants, extra-​terrestres inavoués et crypto-​sedevacantistes notoires n’osent plus, Dieu mer­ci, sou­te­nir leur thèse. Quand j’é­tais plus jeune quelques- uns s’y ris­quaient fiè­re­ment, comme cette femme cou­ra­geuse qui en fit une bro­chure, Maria Davidoglou, ou encore le père Barbara. Ils sont excu­sables car, à l’é­poque, on pou­vait sérieu­se­ment se deman­der ce qui pou­vait se pas­ser dans la tête des curés. Que Dieu ait leurs âmes ! Vous avez la posi­tion du bon sens et de la Théologie catho­lique : gardez-​là. Abbé Philippe Laguérie

Note D : Déclaration de l’ab­bé de Tanoüarn dans Valeurs Actuelles n° 3653 du 2 décembre 2006 

» Et donc, rien que du point de vue de ces dif­fé­rences d’ac­cent, qu’il ne faut pas for­cé­ment exa­gé­rer, mais qui existent, et notre conver­sa­tion en est un signe, je crois qu’il faut accep­ter la dif­fé­rence des rites et accep­ter qu’on puisse avoir une pré­fé­rence fon­dée, pro­fonde, pas seule­ment sub­jec­tive ou esthé­tique, pour le rite tra­di­tion­nel. Cela dit, bien enten­du, si au nom de cette pré­fé­rence on ana­thé­mise tous les autres et on dit que le rite réno­vé n’est pas légi­time, on n’a rien à faire dans l’Eglise. »

Références ayant trait à l’analyse

(1) Mgr Lefebvre, Cor unum numé­ro 4 (novembre 1979), p. 4–5.

(2) Mgr Lefebvre, La messe de tou­jours, textes réunis par l’abbé Troadec, Clovis, 2005, p. 391.

(3) Mgr Lefebvre en parle dans le ser­mon du 30 juin 1988, lors de la consé­cra­tion épis­co­pale à Ecône : « Vous savez bien, mes bien chers frères, qu’il ne peut pas y avoir de prêtres sans évêque. Tous ces sémi­na­ristes qui sont ici pré­sents, si demain le Bon Dieu me rap­pelle – et ce sera sans doute sans tar­der – eh bien, ces sémi­na­ristes, de qui recevront-​ils le sacre­ment de l’ordre ? Des évêques conci­liaires, dont les sacre­ments sont tous dou­teux, parce que l’on ne sait pas exac­te­ment quelles sont leurs inten­tions ? Ce n’est pas pos­sible ! » (HOMEC, 43B). Remarquons toute la por­tée de cette décla­ra­tion : vu la cir­cons­tance, ces paroles ont été de fait réper­cu­tées Urbi et orbi. Moins qu’ailleurs l’amplification rhé­to­rique était ici de mise. Si Mgr Lefebvre (dont la fran­chise n’a jamais été niée par per­sonne et dont la pru­dence a tou­jours été louée par tous ceux qui se recon­nais­saient en lui) s’est ris­qué à par­ler ain­si, c’est qu’il était sérieu­se­ment convain­cu à la fois et de la véri­té et de l’importance de cette affirmation.

(4) Voilà pour­quoi ce NOM est un par­fait chef d’œuvre de moder­nisme (« le coup de maître de Satan »), qui opère une intoxi­ca­tion à géo­mé­trie variable, une éro­sion à petit feu. Le moder­nisme ne nie pas bru­ta­le­ment la véri­té ; il insi­nue le doute dans les esprits : on abou­tit au même résul­tat, mais le pro­cé­dé est plus effi­cace car plus subtil.

(5) 3a, q 67, art. 5 ; 3a, q 64, art. 9, cor­pus et ad 1.

(6) La for­mule « Reçois le Saint-​Esprit » est en effet beau­coup trop vague.

(7) La for­mule « Reçois le Saint-​Esprit … pour l’office de prêtre (ou d’évêque) » est en effet quand même plus explicite.

(8) DS 3317–3318.

(9) Cardinaux Ottaviani et Bacci, « Préface au pape Paul VI » dans Bref exa­men cri­tique du Novus ordo mis­sae, rééd. Ecône, p. 6.

(10)La Messe de Luther, Editions Saint-​Gabriel, p. 10.

(11) Cardinaux Ottaviani et Bacci Bref exa­men cri­tique, Rééd. Ecône, note 15, page 30.

(12) Conférence spi­ri­tuelle à Écône, 8 février 1979, reprise dans le livre réa­li­sé sous la direc­tion de mon­sieur l’abbé Troadec, La Messe de tou­jours, p. 372–374.

(13) Il s’agit d’une « Déclaration » et non d’un ser­ment. La dif­fé­rence entre les deux n’est pas petite : en prin­cipe, on ne devrait pas l’expliquer à l’abbé Philippe Laguérie. C’est pour­quoi les pro­pos tenus par ce der­nier dans son Blog du 17 avril 2007 nous étonnent.

(14) Déclaration de fidé­li­té aux posi­tions de la Fraternité sacer­do­tale Saint Pie X, 2e point.

(15)« Editorial du Chardonnet d’octobre 1995 » dans Abbé Philippe Laguérie, Avec ma béné­dic­tion. Quatorze ans au Chardonnet, Certitudes, 1997, p. 365

(16) Cette résis­tance spec­ta­cu­laire est tou­jours main­te­nue en prin­cipe par la Fraternité Saint Pie X : « C’est pour­quoi je ne célé­bre­rai jamais la sainte messe selon ce nou­veau rite, même sous la menace de peines ecclé­sias­tiques ; et je ne conseille­rai jamais à qui­conque, de manière posi­tive, de par­ti­ci­per acti­ve­ment à une telle messe » (Déclaration de fidé­li­té aux posi­tions de la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X, 4e point).

(17) Mgr Lefebvre, Courrier de Rome de juillet 1974

(18)« La messe nou­velle n’est pas bonne ! Si elle était bonne, demain nous devrions la prendre, c’est évident ! Si elle est bonne, il faut obéir. Si l’Église nous donne quelque chose qui est bon et nous dit : « Vous devez prendre cela », quelle sera la rai­son pour dire non ? Tandis que si nous disons : « Cette messe est empoi­son­née. Cette messe est mau­vaise, elle fait perdre peu à peu la foi », alors on est bien obli­gé de la refu­ser » (Mgr Lefebvre, Conférence spi­ri­tuelle à Ecône le 21 jan­vier 1982, citée dans le livre réa­li­sé sous la direc­tion de mon­sieur l’abbé Troadec, La Messe de tou­jours, p. 378–379).

(19)Le Mascaret n° 285 (février 2007), p. 6, enca­dré 2.

(20)Le Mascaret n° 285 (février 2007), p. 6, enca­dré 1.