Cotignac : Renouvellement de la Consécration de la France à Saint Joseph


par Mgr Bernard Fellay, Supérieur Général de la FSSPX, le clergé et les fidèles

Le clergé :

Ô saint Joseph, nous voi­ci par­ve­nus, au terme de notre pèle­ri­nage, en ce lieu béni du Mont Bessillon que vous avez choi­si pour appa­raître le 7 juin 1660 au pâtre Gaspard Ricard. Ce jour-​là, vous avez hono­ré notre patrie de votre glo­rieuse pré­sence et vous lui avez mon­tré la sol­li­ci­tude toute pater­nelle que vous lui por­tiez. Vous vous dévoi­liez d’ailleurs à quelques pas de cet autre lieu où votre sainte épouse, la très sainte Vierge Marie, était venue visi­ter notre pays, les 10 et 11 août 1509.

Pour la pre­mière fois de toute son his­toire, l’Eglise allait bien­tôt recon­naître, ô bien­heu­reux Joseph, l’authenticité d’une appa­ri­tion de votre auguste per­sonne. Le roi Louis XIV ‑Louis Dieudonné- vous en expri­mait sa recon­nais­sance en décla­rant que votre fête du 19 mars serait désor­mais chô­mée dans tout le royaume. Il vous consa­crait la France le 19 mars 1661, comme Louis XIII l’avait déjà vouée à la très sainte Vierge Marie en 1638. Par la suite, le renou­vel­le­ment de cette consé­cra­tion de notre pays à votre saint patro­nage eut lieu chaque année jusqu’à la révo­lu­tion, mais n’a, hélas, jamais été réité­ré depuis.

Les fidèles :

Plus de 250 ans après cette sinistre révo­lu­tion, notre modeste groupe de catho­liques fran­çais vient jusqu’à vous en ce lieu reti­ré que vous avez dai­gné visi­ter. O Saint Joseph, nous vous sup­plions hum­ble­ment de bien vou­loir entendre le cri de notre détresse. Voyez dans quel état de déchéance se trouve main­te­nant plon­gée la fille aînée de l’Eglise. Bien mieux que nous, de votre ciel de gloire, vous mesu­rez toute sa ver­ti­gi­neuse des­cente vers les abîmes, son apos­ta­sie et la dam­na­tion qu’elle fait encou­rir à ses enfants.

Les conju­rés qui se sont impo­sés pour gou­ver­ner la France par le tru­che­ment du « suf­frage uni­ver­sel – men­songe uni­ver­sel » – ont fait rou­ler la tête de son roi et se sont dres­sés contre Dieu. Ils ont noyé dans le sang la Vendée et tout ce qui, en France, vou­lait res­ter catho­lique. Ils se sont déchaî­nés contre les prêtres et les congré­ga­tions reli­gieuses, ne recu­lant devant aucun moyen pour les chas­ser et les exter­mi­ner. Voilà cette nou­velle France, révo­lu­tion­naire, qui ne cesse de défier et d’attaquer le saint nom de Jésus et la sainte Eglise Catholique ! Les périodes de répit rela­tif de cette lutte dia­bo­lique n’ont, elles-​mêmes, jamais obéi à un autre des­sein qu’à celui de reprendre les offen­sives avec plus d’acharnement encore, dès que s’en pré­sen­taient les opportunités.

Non contents de bra­ver l’ordre sur­na­tu­rel, ces hommes per­vers ont déi­fié la liber­té et codi­fié leurs pires désordres. Ils ont por­té leurs coups jusque dans le sanc­tuaire même de la famille par l’introduction de la loi du divorce. Ils sont allés jusqu’à vio­ler le ventre des mères par la léga­li­sa­tion des crimes anti­con­cep­tion­nels et abor­tifs. Leur aveu­gle­ment les amène tou­jours plus bas vers l’abjection et les voi­là main­te­nant à vou­loir faire enté­ri­ner, par les chambres des repré­sen­tants du pays, les unions contre-​nature. Les crimes qui crient ven­geance devant la face de Dieu sont deve­nus le quo­ti­dien de nos rues et la vie banale de notre peuple.

Nous ne vou­lons pour­tant pas rou­gir de notre mère patrie. Mais la honte nous monte au visage pour le spec­tacle lamen­table qu’elle pré­sente aujourd’hui à la face des nations et à la face de Dieu. Elle a renié ses enga­ge­ments les plus sacrés contrac­tés sur les fonts bap­tis­maux de Reims et elle s’acharne à arra­cher sys­té­ma­ti­que­ment toutes ses racines chré­tiennes. Ce qui repré­sente pour elle un véri­table sui­cide tant la réa­li­té de la France est tout imbi­bée de sève chré­tienne, tant il est vrai que ce royaume des Francs doit à l’Eglise, non seule­ment ses gran­deurs et ses gloires, mais son exis­tence même. Nous autres catho­liques fran­çais, nous vivons, géné­ra­tion après géné­ra­tion, le déclin de notre pays et la dis­pa­ri­tion accé­lé­rée de notre foi, consé­quences de la lamen­table révolte de notre pays contre Dieu. 

Le clergé :

Nous savons que les nations, à la dif­fé­rence des âmes immor­telles, doivent être jugées dès cette terre puisqu’elles ne pénè­tre­ront pas dans l’éternité. Et nous nous deman­dons, non sans crainte, si la France n’a pas déjà été pesée dans les balances divines : « Mane ! Thequel !Pharès ! » [1] : ces mots sont-​ils désor­mais ins­crits sur nos fron­tières ? Nous le redou­tons car nous recon­nais­sons que la coupe de notre ingra­ti­tude et de notre méchan­ce­té a débor­dé. Le châ­ti­ment divin consiste seule­ment à lais­ser se répandre le mal que font les hommes puisque les hommes ne demandent plus à Dieu de les en délivrer.

Les fidèles :

Mais com­ment haïrions-​nous cepen­dant la terre de nos pères ? Nous per­sis­tons à dis­tin­guer la France vraie, celle de nos héros et celle de nos saints, celle qui méri­ta le nom de Fille aînée de l’Eglise, de cette France des convents et des loges contre laquelle nous sommes en guerre. Nous ne vou­lons pas déses­pé­rer de cette patrie, la plus belle de toutes, à qui nous sommes rede­vables d’un si pré­cieux héri­tage. Nous ne nous rési­gne­rons pas plus à cet aujourd’hui vio­lem­ment laï­ciste et à cet anti-​christianisme gou­ver­ne­men­tal qu’à des len­de­mains qui scan­de­raient la vic­toire de l’islamicité ou de la laïslamisation.

Peut-​être, saint Joseph, pour notre conso­la­tion, nous exhortez-​vous à tour­ner nos yeux vers notre seconde patrie, plus belle et même divine, la sainte Eglise Catholique, sur laquelle vous exer­cez votre patro­nage. Vous nous dites que dans cette infor­tune où se trouve notre patrie char­nelle, il nous reste ce récon­fort que pro­cure la vue de l’Epouse Immaculée de votre Fils bien-​aimé. Et nous croyons fer­me­ment, depuis notre bap­tême, que cette Eglise est sans tache ni ride, qu’elle est aus­si une barque insub­mer­sible. Nous croyons, ô saint Joseph, à la divi­ni­té de cette sainte Eglise qui mène les chré­tiens, depuis les rivages de cette terre pas­sa­gère, à ceux du Ciel bienheureux.

Notre acte de Foi demeure intact et nous vous deman­dons la grâce de ne jamais remettre en cause notre atta­che­ment indé­fec­tible à l’Eglise, Une, Sainte, Catholique, Apostolique et Romaine. Nous ne pro­fes­sons nul­le­ment que l’Eglise Catholique n’est plus l’Eglise Catholique au motif que la crise qu’Elle subit l’aurait détruite et qu’une autre église se serait sub­sti­tuée à Elle. Nous enten­dons seule­ment, de la voix même de ceux qui s’en glo­ri­fient, qu’une conju­ra­tion conci­liaire s’est pro­duite contre l’Eglise. Des évêques, des car­di­naux et des papes eux-​mêmes ont comme menot­té, bâillon­né et para­ly­sé l’Eglise. Ils se sont mis à ensei­gner, du haut des chaires catho­liques, une nou­velle doc­trine qui n’est qu’une odieuse contre­fa­çon de l’enseignement de l’Eglise de toujours.

C’est pour­quoi, ô saint patron de l’Eglise, si nous croyons fer­me­ment que les portes de l’enfer ne pré­vau­dront pas contre celle-​ci, voi­là cinq décades que nous devons résis­ter de toutes nos forces à ses chefs pour demeu­rer catho­liques. Il nous faut croire, contre les appa­rences, que l’Eglise est tou­jours l’Eglise, espé­rer contre toute espé­rance qu’Elle sub­sis­te­ra tou­jours et aimer de toute notre âme ses repré­sen­tants, ceux-​là mêmes qui nous ban­nissent et qui nous maudissent. 

Nous ne sommes que de pauvres pécheurs à qui il est deman­dé de por­ter des far­deaux si pesants ; nous ne sommes qu’une petite et piètre troupe. Il n’est par­mi nous « ni beau­coup de sages selon la chair, ni beau­coup de puis­sants, ni beau­coup de nobles. »[2]. Mais vous ne regar­dez ni à notre nombre, ni à notre for­tune, ni à nos titres. Nous sommes venus jusqu’à vous pour que vous nous don­niez, comme au pâtre assoif­fé jadis en ces lieux, et la force de sou­le­ver la pierre trop lourde et la grâce de boire à l’eau vive de votre source. Nous ne sommes rien d’autre que ce petit reste des catho­liques de France venus déver­ser dans votre cœur leurs âmes endolories. 

Le clergé et les fidèles :

Nous vous prions hum­ble­ment et nous vous sup­plions, ô des­cen­dant de David, noble Epoux de Marie et Père du divin Enfant Jésus, de bien vou­loir por­ter nos prières auprès de votre Epouse Immaculée et jusqu’au trône même de Dieu. Que ces jours de mal­heurs soient abré­gés, si Dieu le veut.

Donnez à l’Eglise un suc­ces­seur de Pierre qui soit un Pontife pour pro­cla­mer la véri­té et condam­ner l’erreur. Eloignez de l’Eglise les pas­teurs qui font perdre la foi aux âmes ou convertissez-​les. Ramenez vers l’Eglise tant et tant d’âmes abu­sées par les idées nou­velles et éga­rées sur des sen­tiers sans issue. Vous qui avez sau­vé la sainte Famille de tant de vicis­si­tudes, pré­ser­vez, nous vous en conju­rons, la barque sainte qui semble dis­pa­raître sous les flots déchaî­nés de l’hideuse modernité.

Quant à notre France, nous savons bien que nous ne pou­vons fon­der son ave­nir sur les pro­messes d’indéfectibilité qui sont réser­vées à la seule sainte Eglise. Nous savons par ailleurs que nous avons péché et igno­ble­ment péché. Nos pères et nous, nous nous sommes éloi­gnés de Dieu. Nous recon­nais­sons qu’il n’est que trop juste que nous soyons châ­tiés et nous vous deman­dons la force qui nous est néces­saire pour expier nos fautes et celles de notre nation renégate.

Les fidèles :

Mais cepen­dant, saint Joseph, ne délais­sez pas ce pays qui don­na tant de saints et de saintes, par­mi les plus glo­rieux que l’on compte au Ciel. Faites que l’apostasie ne le recouvre jamais entiè­re­ment. Gardez nos glo­rieux sanc­tuaires et nos humbles clo­chers. Ne voyez-​vous donc pas déjà se dres­ser ces mil­liers de mina­rets qui narguent le seul vrai Dieu ? 

C’est encore notre France, en cette belle Provence, qui accueillit jadis l’illustre péche­resse repen­tie de l’Evangile, glo­rieuse recluse de la Sainte Baume. Comme votre Fils se lais­sa tou­cher par les larmes de sainte Marie Madeleine, consi­dé­rez celles qui furent ver­sées par tant de cœurs chré­tiens, en France, pour obte­nir encore une fois la misé­ri­corde de Dieu envers notre patrie.

N’abandonnez pas ce pays, royaume de votre sainte Epouse qui a trou­vé sa joie à venir si sou­vent le visi­ter, et ne lais­sez pas gom­mer de la carte des pays catho­liques la terre qui reçut les révé­la­tions du Sacré-​Cœur, ce Cœur dont vous avez goû­té le rayon­ne­ment bien­fai­sant à Nazareth.

Sainte Thérèse d’Avila, vous qui fûtes si proche de saint Joseph, nous vous deman­dons éga­le­ment de bien vou­loir rejoindre notre groupe de pèle­rins et, de votre voix si sainte, d’appuyer nos demandes auprès de saint Joseph. Vous avez dit de ce glo­rieux patriarche : « Il m’a tou­jours exau­cée, au-​delà de mes prières et des mes espé­rances. Je ne me sou­viens pas de lui avoir rien deman­dé jusqu’à ce jour, qu’il ne me l’ait accor­dé. » Voulez-​vous bien lui deman­der avec nous le retour de la France au Catholicisme et celui des auto­ri­tés romaines à la Foi de toujours ?

Saint Joseph, nous vous savons si puis­sant dans le Ciel ! Vous êtes le chef de la sainte Famille. Y a‑t-​il quelque chose que vous ayez deman­dé à votre sainte Epouse ou à votre divin Enfant qui vous ait jamais été refu­sé ? Nous ne le croyons pas. Nous croyons au contraire que la très sainte Vierge Marie et que le divin enfant Jésus veulent votre exal­ta­tion crois­sante sur la terre, et que les hommes découvrent votre humi­li­té si glorieuse.

Monseigneur Fellay :

C’est donc rem­plie d’espérance qu’aujourd’hui, à Cotignac, notre modeste pha­lange de catho­liques se tourne vers vous pour vous renou­ve­ler la consé­cra­tion de la France. Nos rois vous avaient don­né ce pays. Il est tou­jours vôtre et, forts de votre grâce, nous vous pro­met­tons d’être vos ins­tru­ments dociles pour vous le recon­qué­rir. Ainsi, saint Joseph, si cher à nos cœurs, vous réa­li­se­rez la pro­messe que le saint pape Pie X pro­non­ça dans son allo­cu­tion du 29 novembre 1911 aux pèle­rins fran­çais [3] :

« Que vous dirai-​je main­te­nant, chers fils de France, qui gémis­sez sous le poids de la per­sé­cu­tion ? Le peuple qui a fait alliance avec Dieu aux fonts bap­tis­maux de Reims se conver­ti­ra et retour­ne­ra à sa pre­mière voca­tion. Ses fautes ne res­te­ront pas impu­nies, mais elle ne péri­ra jamais, la fille de tant de mérites, de tant de sou­pirs et de tant de larmes.

Un jour vien­dra, et nous espé­rons qu’il ne sera pas éloi­gné, où la France, comme Saül sur le che­min de Damas, sera enve­lop­pée d’une lumière céleste et enten­dra une voix lui répé­ter : ‘Ma fille, pour­quoi me persécutes-​tu ?

Et à sa réponse : Qui êtes-​vous, Seigneur ?

La voix répli­que­ra : Je suis Jésus que tu per­sé­cutes. Il t’est dur de regim­ber contre l’aiguillon, parce que
dans ton obs­ti­na­tion, tu te ruines toi-même.

Et elle, fré­mis­sante et éton­née, dira : Seigneur, que voulez-​vous que je fasse ?

Et il dira : Lève-​toi, lave tes souillures qui t’ont défi­gu­rée, réveille dans ton cœur tes sen­ti­ments assou­pis et le pacte de notre alliance et va, fille aînée de l’Eglise, nation pré­des­ti­née, vase d’élection, va, comme par le pas­sé, et porte mon nom devant tous les peuples et les rois de la terre.’ » 

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, priez pour nous,
Sainte Jeanne d’Arc, priez pour nous,
Saint Louis, roi de France, priez pour nous,
Tous les saints et saintes de France,
Sainte Thérèse d’Avila, priez pour nous,
Saint Pie V, priez pour nous,
Saint Pie X, priez pour nous,
Sainte Marie-​Madeleine, priez pour nous,
Saint Joseph, priez pour nous,
Saint Joseph, à qui la France fut consa­crée, priez pour nous,
Saint Joseph, patron de l’Eglise uni­ver­selle, priez pour nous,
Notre-​Dame de Grâces ‚priez pour nous,
Sainte Vierge Marie de l’Assomption, priez pour nous,

Ainsi soit-​il.

Notes de bas de page
  1. NDLR de LPL : Inscription lue par le pro­phète Daniel sur les murs du palais de Baltassar qui lui annonce la fin de son empire et sa chute proche. Daniel 5,25–31. « Or voi­ci l’é­cri­ture qui a été tra­cée : Mané, Théquel, Pharès. Et voi­ci l’in­ter­pré­ta­tion de ces mots. Mané : Dieu a comp­té ton règne et y a mis fin. Théquel : tu as été pesé dans la balance, et tu as été trou­vé trop léger. Pharès : ton royaume a été divi­sé, et don­né aux Mèdes et aux Perses. Alors, par l’ordre du roi, Daniel fut revê­tu de pourpre, et on lui mit au cou un col­lier d’or, et on publia qu’il avait en puis­sance le troi­sième rang dans le royaume. Cette même nuit, Baltassar, roi des Chaldéens, fut tué. Et Darius le Mède lui suc­cé­da dans la royau­té, étant âgé de soixante-​deux ans ».[]
  2. I Cor. I, 26 []
  3. Allocution du 29 novembre 1911 – Documents pon­ti­fi­caux de S.S. saint Pie X, Vol.11, pp.396–397. []