Editorial d’octobre 2011 – Mégabug sur Métablog ? Abbé P. de La Rocque

Mégabug sur Métablog ?

Est-​ce une énorme bourde qu’aurait faite M. l’abbé de Tanoüarn sur son « Metablog » ?

L’affaire est en tout cas lourde de sens. Tandis que M. l’abbé de Cacqueray publiait le 12 sep­tembre der­nier un com­mu­ni­qué aus­si vigou­reux que théo­lo­gique dénon­çant la pro­chaine réunion d’Assise, son ancien confrère, désor­mais membre fon­da­teur de l’Institut du Bon Pasteur, a cru devoir voler au secours d’Assise cru 2011, pour l’heure incri­ti­quable à son sens.

L’argumentaire uti­li­sé est des plus clas­siques. Sous pré­texte que la ver­tu de reli­gion – comme toute ver­tu morale – a une double dimen­sion natu­relle et sur­na­tu­relle, l’abbé de Tanoüarn croit pou­voir poser une dis­tinc­tion entre les reli­gions qui toutes seraient natu­rel­le­ment bonnes car conformes à la nature du cœur de l’homme, et la reli­gion catho­lique qui seule est salu­taire, car seule sur­na­tu­relle. A l’appui de cette dis­tinc­tion est avan­cée, sans plus de pré­ci­sion, la très haute auto­ri­té de saint Thomas d’Aquin, en sa ques­tion 81 de la Ia IIæ. Dès lors une réunion inter­re­li­gieuse serait mau­vaise si elle entraîne la confu­sion de ces deux ordres (= Assise 1986), bonne si elle res­pecte la dis­tinc­tion (= Assise 2011), voire néces­saire aux dires de notre bloggeur :

« Lorsque le Pape demande aux reli­gions de se conce­voir elles-​mêmes comme un ser­vice de paix et non comme une cau­tion de vio­lence il accom­plit un geste impor­tant et légi­time. Il demande aux reli­gions de se confor­mer à la ver­tu natu­relle de reli­gion, sans tom­ber dans les excès qu’en­gendre trop sou­vent l’ins­tinct reli­gieux dans l’homme. »

Un tel rai­son­ne­ment, maintes fois enten­du dans la bouche des pro­mo­teurs du dia­logue inter­re­li­gieux ver­sion Vatican II, se doit d’être vigou­reu­se­ment reje­té, et ce pour trois raisons :

1) Il contient tout d’abord un sophisme des plus gros­siers. On ne peut en effet affir­mer qu’une reli­gion est bonne, ne serait-​ce que natu­rel­le­ment, du seul fait qu’elle expri­me­rait le sen­ti­ment reli­gieux natu­rel à l’homme : ce serait du pur sub­jec­ti­visme. Encore faut-​il que cette reli­gion s’adresse à l’unique vrai Dieu, ain­si que l’indique saint Thomas en sa ques­tion 81 (art. 3). Comment dès lors M. l’abbé de Tanouärn peut-​il lais­ser entendre que les reli­gions convo­quées par Benoît XVI répondent à la défi­ni­tion de la reli­gion natu­relle, lorsqu’on sait que nombre d’entre elles sont poly­théistes, ou bien refusent l’existence de tout Dieu per­son­nel ? Peut-​on même dire que la reli­gion musul­mane s’adresse effec­ti­ve­ment à l’unique vrai Dieu ? Loin d’exercer la ver­tu natu­relle de reli­gion, ces fausses reli­gions la corrompent.

2) De plus, l’ar­gu­ment ne fait pas seule­ment dis­tin­guer l’ordre natu­rel de l’ordre sur­na­tu­rel – ce qui est clas­sique – mais il sépare ces deux ordres, ce qui est inac­cep­table. Il est en effet impos­sible de poser un acte de ver­tu de reli­gion qui soit pure­ment natu­rel, car chaque homme in concre­to est pla­cé dans un contexte sur­na­tu­rel : c’est un fait que l’homme – tout homme –, pécheur en Adam, n’a plus accès à Dieu par lui-​même, mais seule­ment par Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui s’est fait notre récon­ci­lia­tion auprès de Dieu (Rm 5, 10–11, 2 Co 5, 18–20 ; Ep 2, 16, Col 1, 20–22 etc.). Dès lors, l’acte de reli­gion pure­ment natu­rel devient impos­sible in concre­to.

3) Enfin, et là n’est pas le moindre motif, c’est pré­ci­sé­ment la faus­se­té de cet argu­ment qui pous­sa Pie XI, en son ency­clique Mortalium ani­mos, à condam­ner ces réunions interreligieuses :

« De telles entre­prises ne peuvent, en aucune manière, être approu­vées par les catho­liques, puis­qu’elles s’ap­puient sur la théo­rie erro­née que les reli­gions sont toutes plus ou moins bonnes et louables, en ce sens que toutes éga­le­ment, bien que de manières dif­fé­rentes, mani­festent et signi­fient le sen­ti­ment natu­rel et inné qui nous porte vers Dieu et nous pousse à recon­naître avec res­pect sa puis­sance. En véri­té, les par­ti­sans de cette théo­rie s’é­garent en pleine erreur… »

Que M. l’abbé de Tanouärn fasse siens ces argu­ments res­sas­sés – et condam­nés – ne peut qu’inquiéter. Nous avions déjà vu, voi­ci peu, le supé­rieur de l’Institut du Bon Pasteur esti­mer conve­nable l’assistance de ses prêtres aux nou­velles messes célé­brées par l’évêque[1]. Voici main­te­nant ce même Institut assu­mer les argu­ments condam­nés de la nou­velle théologie.

Quousque Domine ? Seigneur, ayez pitié de ces confrères que nous avons aimés.

Abbé Patrick de La Rocque

Extrait de L’Hermine spé­cial Assise d’oc­tobre 2011

Notes de bas de page
  1. M. l’abbé Laguérie, inter­view du 30/​07/​2011 sur le site Disputationes theo­lo­gicæ (tenu par des prêtres de l’IBP) : « Il est pour eux [les prêtres de l’IBP] notam­ment conve­nable, selon les exi­gences démon­trées du bien com­mun, d’ac­cep­ter les invi­ta­tions des évêques à être pré­sent aux moments signi­fi­ca­tifs de la vie du dio­cèse, par exemple les messes d’ordinations et chris­males qui réunissent autour de son évêque le pres­by­te­rium de l’église locale […] » (IBP, dis­pu­ta­tiones theo­lo­gicæ du 30 juillet 2011) []

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.