Testament : le vœu de Louis XIII

Louis XIII remet les attributs royaux à la Vierge Marie, Philippe de Champaigne (1602-1674)

A tous ceux qui ces pré­sentes lettres ver­ront, Salut.

Dieu qui élève les rois au trône de leur gran­deur, non content de nous avoir don­né l’es­prit qu’il départ à tous les princes de la terre pour la conduite de leurs peuples, a vou­lu prendre un soin si spé­cial et de notre per­sonne et de notre état, que nous ne pou­vons consi­dé­rer le bon­heur du cours de notre règne, sans y voir autant d’ef­fets mer­veilleux de sa bon­té, que d’ac­ci­dents qui nous pou­vaient perdre.

Lorsque nous sommes entré au gou­ver­ne­ment de cette cou­ronne, la fai­blesse de notre âge don­na sujet à quelques mau­vais esprits d’en trou­bler la tran­quilli­té ; mais cette main divine sou­tint avec tant de force la jus­tice de notre cause que l’on vit en même temps la nais­sance et la fin de ces per­ni­cieux des­seins. En divers autres temps, l’ar­ti­fice des hommes et la malice du diable ayant sus­ci­té et fomen­té des divi­sions non moins dan­ge­reuses pour notre cou­ronne que pré­ju­di­ciables au repos de notre mai­son, il lui a plu en détour­ner le mal avec autant de dou­ceur que de justice.

La rébel­lion de l’hé­ré­sie ayant aus­si for­mé un par­ti dans l’Etat, qui n’a­vait d’autre but que de par­ta­ger notre auto­ri­té, il s’est ser­vi de nous pour en abattre l’or­gueil, et a per­mis que nous ayons rele­vé ses saints autels en tous les lieux où la vio­lence de cet injuste par­ti en avait ôté les marques.

Quand nous avons entre­pris la pro­tec­tion de nos alliés, il a don­né des suc­cès si heu­reux à nos armes, qu’à la vue de toute l’Europe, contre l’es­pé­rance de tout le monde, nous les avons réta­blis en la pos­ses­sion de leurs états dont ils avaient été dépouillés.

Si les plus grandes forces des enne­mis de cette cou­ronne, se sont ral­liées pour conspi­rer sa ruine, il a confon­du leurs ambi­tieux des­seins pour faire voir à toutes les nations que, comme sa pro­vi­dence a fon­dé cet Etat, sa bon­té le conserve et sa puis­sance le défend.

Tant de grâces si évi­dentes font que pour n’en dif­fé­rer pas la recon­nais­sance, sans attendre la paix, qui nous vien­dra sans doute de la même main dont nous les avons reçues, et que nous dési­rons avec ardeur pour en faire sen­tir les fruits aux peuples qui nous sont com­mis, nous avons cru être obli­gés, nous pros­ter­nant aux pieds de sa majes­té divine que nous ado­rons en trois per­sonnes, à ceux de la Sainte Vierge et de la sacrée croix, où nous véné­rons l’ac­com­plis­se­ment des mys­tères de notre Rédemption par la vie et la mort du fils de Dieu en notre chair, de nous consa­crer à la gran­deur de Dieu par son fils rabais­sé jus­qu’à nous, et à ce fils par sa mère éle­vée jus­qu’à lui ; en la pro­tec­tion de laquelle nous met­tons par­ti­cu­liè­re­ment notre per­sonne, notre Etat, notre cou­ronne et tous nos sujets pour obte­nir par ce moyen celle de la Sainte-​Trinité, par son inter­ces­sion et de toute la cour céleste par son auto­ri­té et exemple, nos mains n’é­tant pas assez pures pour pré­sen­ter nos offrandes à la pure­té même, nous croyons que celles qui ont été dignes de le por­ter, les ren­dront hos­ties agréables et c’est chose bien rai­son­nable qu’ayant été média­trice de ces bien­faits, elle le soit de nos actions de grâces.

A ces causes, nous avons décla­ré et décla­rons que pre­nant la très sainte et très glo­rieuse Vierge pour pro­tec­trice spé­ciale de notre royaume, nous lui consa­crons par­ti­cu­liè­re­ment notre per­sonne, notre Etat, notre cou­ronne et nos sujets, la sup­pliant de nous vou­loir ins­pi­rer une sainte conduite et de défendre avec tant de soin ce royaume contre l’ef­fort de tous ses enne­mis, que, soit qu’il souffre du fléau de la guerre ou jouisse de la dou­ceur de la paix que nous deman­dons à Dieu de tout notre cour, il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire. Et afin que la pos­té­ri­té ne puisse man­quer à suivre nos volon­tés en ce sujet, pour monu­ment et marque immor­telle de la consé­cra­tion pré­sente que nous fai­sons, nous ferons construire de nou­veau le grand autel de la cathé­drale de Paris avec une image de la Vierge qui tienne dans ses bras celle de son pré­cieux Fils des­cen­du de la Croix , et où nous serons repré­sen­té aux pieds du Fils et de la Mère comme leur offrant notre cou­ronne et notre sceptre.

Nous admo­nes­tons le sieur Archevêque de Paris et néan­moins lui enjoi­gnons que tous les ans le jour et fête de l’Assomption, il fasse faire com­mé­mo­ra­tion de notre pré­sente décla­ra­tion à la grand’­messe qui se dira en son église cathé­drale, et qu’a­près les vêpres du dit jour, il soit fait une pro­ces­sion en la dite église à laquelle assis­te­ront toutes les com­pa­gnies sou­ve­raines et le corps de ville, avec pareille céré­mo­nie que celle qui s’ob­serve aux pro­ces­sions géné­rales les plus solen­nelles ; ce que nous vou­lons aus­si être fait en toutes les églises tant parois­siales que celles des monas­tères de la dite ville et fau­bourg, et en toutes les villes, bourgs et vil­lages du dit dio­cèse de Paris.

Exhortons pareille­ment tous les arche­vêques et évêques de notre royaume et néan­moins leur enjoi­gnons de faire célé­brer la même solen­ni­té en leurs églises épis­co­pales et autres églises de leur dio­cèse ; enten­dant qu’à la dite céré­mo­nie les cours de Parlement et autres com­pa­gnies sou­ve­raines et les prin­ci­paux offi­ciers de la ville y soient pré­sents ; et d’au­tant qu’il y a plu­sieurs épis­co­pales qui ne sont pas dédiées à la Vierge, nous exhor­tons les dits arche­vêques et évêques en ce cas de lui dédier la prin­ci­pale cha­pelle des dites églises pour y être fait la dite céré­mo­nie et d’y éle­ver un autel avec un orne­ment conve­nable à une action si célèbre et d’ad­mo­nes­ter tous nos peuples d’a­voir une dévo­tion par­ti­cu­lière à la Vierge, d’im­plo­rer en ce jour sa pro­tec­tion afin que sous une si puis­sante patronne notre royaume soit à cou­vert de toutes les entre­prises de ses enne­mis, qu’il jouisse lar­ge­ment d’une bonne paix ; que Dieu y soit ser­vi et révé­ré si sain­te­ment à la der­nière fin pour laquelle nous avons été créés ; car tel est notre bon plaisir.

Donné à Saint-​Germain-​en-​Laye, le dixième jour de février, l’an de grâce mil six cent trente-​huit, et de notre règne le vingt-huit.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre.