Le zollitschisme : hérésie pour le XXIe siècle ? – Côme de Prévigny – Juillet 2009

Extrait du Fideliter n° 190 de juillet-​août 2009

Il y eut l’a­ria­nisme et le dona­tisme, le nes­to­ria­nisme et le péla­gia­nisme, le luthé­ra­nisme et le cal­vi­nisme. Y aura-​t-​il main­te­nant le « zol­lit­schisme » ? Car Mgr Zollitsch, qui n’est pas l’un des moindres des évêques alle­mands, vient sou­dai­ne­ment de bas­cu­ler dans ce qu’on est bien obli­gé d’ap­pe­ler une hérésie.

Lorsqu’un clerc niait autre­fois la divi­ni­té du Christ, la vali­di­té de cer­tains sacre­ments ou le péché ori­gi­nel, il était dépo­sé et un concile se réunis­sait pour condam­ner solen­nel­le­ment les erreurs qu’il avait répan­dues dans le peuple chré­tien. Ainsi l’Église sortit-​elle ren­for­cée à Nicée, Éphèse ou Trente. Loin de pro­fé­rer de gra­tuites injonc­tions ou de bran­dir cruel­le­ment le glaive, ses auto­ri­tés veillaient à pro­té­ger les âmes, en les affran­chis­sant d’un esprit enclin à intro­duire le ver de son ima­gi­na­tion dans le fruit de la Tradition. Aujourd’hui, c’est un évêque qui pro­fesse ouver­te­ment l’er­reur. Sans inquié­tude ni grand compte à rendre, il pré­serve tout natu­rel­le­ment ses pré­ro­ga­tives, béné­fi­ciant de l’in­dif­fé­rence feu­trée des hommes d’Église.

Mgr Robert Zollitsch, doc­teur en théo­lo­gie et arche­vêque de Fribourg-​in-​Brisgau, est, de par sa charge de pré­sident de la confé­rence des évêques alle­mands, à la tête de la puis­sante mais décli­nante Église d’Outre-​Rhin, à la suite du car­di­nal Karl Lehmann. A plu­sieurs reprises, sa voix fit rai­son­ner un lan­gage par­ti­cu­liè­re­ment dis­so­nant. Préconisant le mariage des prêtres, recon­nais­sant une valeur aux unions civiles homo­sexuelles, n’hé­si­tant pas à affir­mer que « l’Église évan­gé­lique est l’Église », ce haut pré­lat ne porte pas – qui s’en éton­ne­ra ? – la Fraternité Saint-​Pie X dans son cœur. Pour lui, la crise de l’Église n’existe pas, « les lefeb­vristes se sont pla­cés tout seuls hors de la tra­di­tion catho­lique et ont bri­sé l’u­ni­té avec le pape ».

La rédemption comme « solidarité »

Fort de ses étranges posi­tions, ce même Robert Zollitsch pro­fi­ta du temps pas­cal pour fran­chir le rubi­con de la néga­tion de la foi. Interrogé Samedi saint (11 avril 2009) par la télé­vi­sion alle­mande dans l’é­mis­sion Horizons, il se conten­ta de quelques minutes pour réduire à néant la doc­trine chré­tienne de la Rédemption. A Meinhard Schmidt-​Degen Hard qui l’in­ter­ro­geait sur la théo­lo­gie catho­lique, l’ar­che­vêque répon­dit que le Christ « n’é­tait pas mort pour les péchés des hommes, comme si Dieu avait besoin d’un sacri­fice à offrir ou de quelque chose tel qu’un bouc émis­saire ». Interloqué, le jour­na­liste deman­da immé­dia­te­ment confir­ma­tion : « Donc, à pré­sent on ne recon­naî­trait plus que Dieu a presque don­né son propre Fils parce que nous, les hommes, nous avions tant péché ? En fait, vous ne le recon­naî­triez plus ? »

Et celui qui doit pour­tant être témoin de la foi répond posé­ment par la néga­tive : « Non, il a lais­sé son propre Fils aller jus­qu’à la mort, par soli­da­ri­té avec nous pour dire : « vous avez tel­le­ment de valeur pour moi que je vais avec vous, que je suis près de vous dans toutes les situa­tions ». » Ainsi donc, toute la Chrétienté s’ef­fondre dans la bouche de ce suc­ces­seur des apôtres. Avant que n’ad­vienne Noël, on ne devrait plus deman­der au divin Messie de « venir sau­ver les hommes du péché » puis­qu’il ne se serait incar­né en ce monde qu’a­ni­mé d’une simple soli­da­ri­té. À en croire cet arche­vêque, ce serait par erreur que saint Matthieu pût un jour affir­mer que le Fils de l’Homme a « don­né sa vie en ran­çon pour une mul­ti­tude » (Mt 20, 28) et le fait que l’a­pôtre Paul affir­mât que « le Christ est mort pour nos péchés, confor­mé­ment aux Écritures » (1 Co, 15, 3) n’au­rait été qu’é­ga­re­ment. L’agneau immo­lé, la vic­time sans tâche, l’ob­jet du saint sacri­fice seraient tout bon­ne­ment éva­cués. Ils auraient lais­sé place à la vacui­té d’un simple per­son­nage. « solidaire ».

Timide retour en arrière

Il n’y a hélas là ni phrase ambi­guë ni pro­pos à double sens, mais l’ex­pres­sion de l’er­reur mani­fes­tée et assu­mée. Dans les jours qui sui­virent ces décla­ra­tions, les secré­ta­riats de l’ar­che­vê­ché et de la Conférence épis­co­pale ne réagirent pas davan­tage que les ser­vices du Saint-​Siège. Sur Internet, les blogs catho­liques com­men­çaient à se plon­ger dans une sainte stu­pé­fac­tion. Fribourg était-​elle condam­née à deve­nir la nou­velle Wittenberg ? En tout cas, on pei­nait à lire là les pro­pos d’un suc­ces­seur des apôtres, comme si face aux erre­ments de l’un de ses hommes, l’Église se trou­vait tou­jours affec­tée par ce que Mgr Lefebvre appe­lait son « sida », c’est-​à-​dire la mort de son sys­tème immunitaire.

Sur les che­mins du néga­tion­nisme de la véri­té révé­lée, Mgr Zollitsch put errer quelques semaines au moins. Un mois après la publi­ca­tion de se ses pro­pos, dans un com­mu­ni­qué où il insis­tait sur­tout pour rap­pe­ler que la réa­li­té de Pâques devait suivre celle du Vendredi saint qu’il sem­blait par­ti­cu­liè­re­ment craindre, l’ar­che­vêque de Fribourg-​in-​Brisgau osait timi­de­ment affir­mer que « la foi chré­tienne n’a [vait] pas peur d’at­tri­buer à la mort du Christ un sens posi­tif de salut et d’ex­pia­tion ». On ne peut que s’in­quié­ter en consi­dé­rant qu’il s’a­git là des pro­pos les plus expli­cites d’un chef-​d’œuvre d’am­bi­guï­té fai­sant office de désa­veu. Le pré­sident de la confé­rence se contente de dire que Notre-​Seigneur a été « vic­time de la méchan­ce­té humaine ».

Mais ce que la tête de l’Église alle­mande ose affir­mer et si fur­ti­ve­ment esqui­ver, com­bien de ses pairs se permettent-​ils de le pen­ser ou de l’en­sei­gner sans avoir à l’in­fir­mer ? Alors que les véri­tés fon­da­men­tales de l’Église sont jour après jour bafouées et déna­tu­rées, pour­quoi exige-​t-​on des désa­veux sans condi­tion de ceux qui s’in­ter­rogent d’i­dées inno­vées il y a qua­rante ans tout au plus ?

La crise de l’Église est un mystère.

Côme de Prévigny – Juillet 2009

Enseignement de l’Église

« Le Christ n’est pas mort pour les péchés des hommes » (Mgr Zollitsch). 

En véri­té, il est de foi divine et catho­lique défi­nie – c’est donc un dogme – que Jésus-​Christ a offert sa pas­sion et donc sa mort à Dieu pour satis­faire pour les péchés du genre humain.

- Le concile de Trente affirme que, par sa sainte pas­sion sur le bois de la croix, Notre-​Seigneur a satis­fait au Père pour nous, obte­nant la rémis­sion de nos péchés.

- Outre les cita­tions scrip­tu­raires rap­por­tées dans l’ar­ticle ci-​contre, on peut rap­pe­ler la parole de saint Jean, qui dit que le Père a envoyé son Fils « comme une pro­pi­tia­tion pour nos péchés » (1 Jn 4, 10).

- Saint Augustin dit de son côté : « Le Christ, sans culpa­bi­li­té, a pris sur lui notre sup­plice, afin d’ô­ter notre culpa­bi­li­té et que ter­mine aus­si notre sup­plice. » De Trinitate, l. 13, c. 14, n. 18.

« Dieu n’a­vait pas besoin de sacri­fice à offrir » (Mgr Zollitsch), ce n’est pas pour cela que le Christ est mort. 

En véri­té, il est de foi divine et catho­lique défi­nie – c’est donc un dogme – que la pas­sion et donc la mort de Jésus-​Christ sont un vrai sacrifice.

- Le concile de Trente affirme que la pas­sion de Jésus-​Christ a été un acte d’of­frande du prêtre Jésus-​Christ à son Père.

- Saint Paul affirme que Notre- Seigneur « s’est livré, pour nous, à Dieu, comme une obla­tion et une hos­tie, dans une odeur de sua­vi­té » (Eph 5, 2).

-Saint Augustin affirme que « par sa mort, très véri­table sacri­fice offert pour nous, il a éteint (…) tout ce qu’il y avait de péché (…) » De Trinitate, l. 4, c. 13, n. 17.

Abbé Philpippe Toulza

Fideliter n° 190