Lettre de Mgr Antonio de Castro Mayer au pape Jean-​Paul II – 13 avril 1982

Très Saint Père, Jean-​Paul II,

Prosterné aux pieds de Votre Sainteté, j’implore la Bénédiction Apostolique.

A la fin du mois de mars de cette année 1982, j’ai reçu une lettre de Son Eminence le Cardinal D. Sebastian Baggio, Préfet du Sacré Collège des Evêques, dans laquelle, au nom de Votre Sainteté, son Eminence pro­non­çait de graves accu­sa­tions contre ma per­sonne, dans le sens où j’aurais inter­fé­ré dans l’administration du dio­cèse de Campos et com­pli­qué la tâche de son évêque, Dom Carlos Alberto Navarro, au lieu de coopé­rer avec lui.

Avec beau­coup de res­pect et de défé­rence, je dois dire à Votre Sainteté que ces accu­sa­tions sont sans fon­de­ment. En outre, la lettre de Son Eminence le Cardinal Baggio, en indi­quant les fautes dont je suis accu­sé, n’apporte aucune preuve jus­ti­fiant ces accu­sa­tions. C’est un fait aus­si, que dans le dio­cèse de Campos, le prêtre Lamar Barreto Calzolari, tenu en haute estime par l’évêque du dio­cèse, n’hésite en aucune manière à me dif­fa­mer devant tout le Brésil dans les colonnes de « O Globo », le jour­nal le plus lar­ge­ment lu dans la région, avec de telles inexac­ti­tudes. Permettez-​moi, Votre Sainteté, d’exprimer mon sou­hait de venir cher­cher refuge au Vatican contre de telles accu­sa­tions sans preuve.

Une quel­conque col­la­bo­ra­tion avec l’évêque, Dom Carlos Navarro, devint dif­fi­cile à par­tir du moment où, dans la presse de Rio de Janeiro et de Sao Paulo, le conseiller juri­dique de l’évêque répan­dit dans tout le Brésil que les prêtres de Campos, de conni­vence avec l’ancien évêque, s’étaient mon­tré mal­hon­nêtes dans des négo­cia­tions fon­cières frau­du­leuses du dio­cèse. Toute col­la­bo­ra­tion fut aus­si impos­sible lorsque Monseigneur Carlos Navarro s’engagea à éli­mi­ner la Messe Tridentine et com­men­ça à impo­ser à Campos des mesures qui sup­pri­mèrent le sacré et créèrent une atmo­sphère pro­fane dans la Maison de dieu. Dans de telles condi­tions, je ne pou­vais en conscience don­ner mon soutien.

De telles mesures nous entraînent en outre dans la même vaste crise que Paul VI appe­lait l’auto-démolition de l’Eglise, et qui pro­voque la sub­sti­tu­tion de l’Eglise tra­di­tion­nelle par une autre « fon­dée sur la psy­cho­lo­gie et sur la socio­lo­gie ». (Acta Apostolicae Sedis AAS 63, P. 69).

Maintenant que je me suis ouvert à Votre Sainteté avec une fran­chise filiale, je demande à votre bon­té de m’autoriser à dire avec beau­coup de res­pect et de véné­ra­tion que l’œcuménisme, tel qu’il est men­tion­né par Votre Sainteté dans de nom­breux docu­ments fon­dés sur le second Concile de Vatican, s’oppose au dogme de Foi selon lequel hors de l’Eglise « nul­lus omni­no sal­va­tur » (Quatrième Concile de Latran, DS 802). Et qu’il consti­tue la néga­tion de cet ensei­gne­ment « ex pro­fes­so » don­né par Pie XI dans l’encyclique « Mortalium Animos » de jan­vier 1926 (AAS 20, p 5ff). De même, cette idée d’œcuménisme vient heur­ter la Doctrine Catholique de la Liberté Religieuse, exi­gée comme un droit natu­rel des hommes dans l’expression de leurs croyances, quelques qu’elles puisent être, même s’il n’en existe aucune comme cela arrive avec les athées (cf. AAS 58, p. 931). En ce sens, il est affir­mé que le Saint Esprit uti­lise aus­si les pro­fes­sions de Foi des non-​Catholiques pour diri­ger les hommes vers leur salut éter­nel, ce qui annule la néces­si­té de l’Eglise Catholique comme unique moyen de salut.

Ces idées fon­da­men­tales de la vie reli­gieuse ont des réper­cus­sions désas­treuses pour le Catholicisme tout entier, depuis qu’elles donnent de la vigueur à la nou­velle Eglise psy­cho­lo­gique et socio­lo­gique à laquelle Paul VI fai­sait référence.

Ayant déjà eu l’opportunité d’écrire à Votre Sainteté sur le même sujet (lettre du 7 avril 1981) je répète ce que j’avais déjà décla­ré à Paul VI (lettre du 25 jan­vier 1974). Je ne suis pas en oppo­si­tion, dés lors, avec le pon­tife romain, ni avec les autres pré­lats. J’adhère à la Foi sans laquelle il est impos­sible de plaire à Dieu et de sau­ver son âme.

A cause de cela, moi-​même, et avec moi de nom­breux prêtres et fidèles nous nous sen­tons oppres­sés face aux contra­dic­tions trou­vées dans des docu­ments éma­nant d’une source aus­si excel­lente. Comprenez aus­si, Votre Sainteté, que ce fait crée dans l’Eglise un pro­fond malaise par­mi les nom­breux fidèles qui res­tent fermes dans leur Foi. Ce n’est pas que les fidèles soient réti­cents à res­pec­ter l’autorité pon­ti­fi­cale, mais, au contraire, que ces prêtres et des fidèles tenant aux fon­de­ments de leur Foi, ont un atta­che­ment pro­fond et inébran­lable à l’Eglise de Saint Pierre.

Avec beau­coup de res­pect, j’ose dire à Votre Sainteté que ce malaise peut être dis­si­pé d’un coup par des décla­ra­tions pon­ti­fi­cales rela­tives aux sujets ci-​dessus, et en géné­ral, sur les nom­breuses affaires de Doctrine et de Morale, qui mettent en évi­dence d’une manière non équi­voque, leur constance avec les ensei­gne­ments que l’Eglise de Jésus-​Christ donne depuis deux mille ans.

Je suis cer­tain que Votre Sainteté dans sa bon­té pater­nelle, accep­te­ra bien volon­tiers cette sup­plique, et m’accordera Sa Bénédiction Apostolique.

De Votre Sainteté, l’humble et obéis­sant sujet.

Antonio de Castro Mayer, Evêque.

Le Pape Jean Paul II de répon­dit jamais.

(Extrait de « La gueule du Lion », Monseigneur de Castro Mayer et le Diocèse de Campos au Brésil, par le Dr David Allen White, tra­duit de l’américain par Michel Bur, Editions Sainte Jeanne d’Arc 2010, p.178 – 180)