L’autel face au peuple par Mgr Garrone, archevêque de Toulouse – 28 février 1965

Mgr Garrone, arche­vêque de Toulouse, écrit dans la Semaine catho­lique de Toulouse (28 février 1965), après avoir cité les numé­ros 91 et 95 de l’Instruction du Consilium (DC, 1964, col. 1374–1375):

Il appa­raît clai­re­ment, d’a­près ces articles, que la célé­bra­tion de la messe face au peuple n’est pas cepen­dant requise. Il peut en effet se pré­sen­ter des cas où la dis­po­si­tion maté­rielle du choeur et l’ar­chi­tec­ture la décon­seillent expressément.

En cette matière, il impor­te­ra de tenir compte non seule­ment de l’o­rien­ta­tion don­née par la Constitution, mais aus­si de tous les autres élé­ments qui inter­viennent dans ce pro­blème res­pect de la mai­son de Dieu, res­pect de la com­mu­nau­té qui s’y réunit, res­pect de l’art sacré et même de la loi civile.

De toute façon, la manière de pro­cé­der doit être celle qui peut le mieux intro­duire les fidèles dans le mys­tère en les édu­quant len­te­ment à en com­prendre les exi­gences : la pré­ci­pi­ta­tion peut nuire au but même que l’Eglise pour­suit en orien­tant l’a­mé­na­ge­ment de l’au­tel d’une manière sou­vent nou­velle pour le peuple.

En consé­quence :

1. Aucune modi­fi­ca­tion qui entraîne une des­truc­tion ne peut être conce­vable en dehors d’une étude préa­lable par la Commission d’art sacré, de l’ac­cord for­mel de la muni­ci­pa­li­té et, éven­tuel­le­ment, des Monuments his­to­riques, compte tenu tou­jours de la règle de pru­dence énon­cée plus haut.

2. Toute ins­tal­la­tion pro­vi­soire demande éga­le­ment, réflexion et étude. Comme le dit judi­cieu­se­ment Mgr Jenny, évêque auxi­liaire de Cambrai et membre du Conseil conci­liaire pour l’ap­pli­ca­tion de la Constitution, il peut y avoir « un incon­vé­nient grave pour l’u­ni­té même du mys­tère célé­bré à dou­bler l’au­tel majeur par un autel près de la balus­trade ». D’ailleurs : « Le prêtre se tourne main­te­nant déli­bé­ré­ment vers les fidèles au cours des lec­tures et des appels qu’il leur adresse : il n’est pas sans inté­rêt qu’il soit à l’oc­ca­sion tour­né comme eux vers le Seigneur que l’on adore et que l’on prie. »

3. Comme le dit encore Mgr Jenny : « Si l’on est ame­né, en cer­taines cir­cons­tances, et sur­tout pour une longue période, à célé­brer la messe sur un autel dit « pro­vi­soire », que celui-​ci soit digne de la célé­bra­tion. Ce que l’on gagne par une proxi­mi­té plus grande du peuple, on peut le perdre dans une dégra­da­tion du cli­mat sacré. On peut d’ailleurs, res­pec­tueu­se­ment, dire la même chose du prêtre lui-​même, si sa manière de célé­brer choque ou dis­trait les fidèles. »

4. C’est pour­quoi, si l’on envi­sage une ins­tal­la­tion pro­vi­soire pour une période assez longue, on deman­de­ra éga­le­ment l’a­vis de la Commission d’art sacré.

5. Enfin, on mesu­re­ra la gra­vi­té de l’en­jeu quand il s’a­git de pré­voir une modi­fi­ca­tion à la place habi­tuelle dans l’é­glise du taber­nacle. C’est le centre où, tra­di­tion­nel­le­ment, se fixent l’at­ten­tion et la prière des fidèles : des trans­for­ma­tions mal pré­pa­rées peuvent nuire gra­ve­ment, en rom­pant avec les usages, au sen­ti­ment de la pré­sence de Dieu que l’eu­cha­ris­tie sou­tient si efficacement.

† Gabriel-​Marie Garrone