L’indult concédé par Jean-​Paul II à Campos a des précédents, par le P. Georges Cottier

Au sujet de la Fraternité Saint Pie X l’in­dult concé­dé par le pape Jean-​Paul II à l’Union bré­si­lienne de « Saint Jean-​Marie Vianney » a des pré­cé­dents, explique le théo­lo­gien de la Maison pon­ti­fi­cale, le P. Georges Cottier, o. p., au micro de Radio Vatican. Il rap­pelle l’im­por­tance de l’ac­cep­ta­tion du Concile Vatican II et parle de démarche pro­pre­ment « œcuménique ».

Une céré­mo­nie offi­cielle a en effet eu lieu, ven­dre­di 18 jan­vier, en la cathé­drale de São Salvador de Campos, au Brésil, avec la lec­ture du docu­ment d’ac­cueil de Jean-​Paul II et la réci­ta­tion du Credo. Le pape avait envoyé le car­di­nal Dario Castrillon Hoyos comme son repré­sen­tant dans cette région du Brésil où se trouvent la majeure par­tie des dis­ciples de Mgr Lefebvre, soit quelque 28.000 personnes.

RV. – Père Cottier, quelle est la por­tée de cette « réuni­fi­ca­tion » ?
P. Cottier – Le cas Lefebvre a repré­sen­té une sépa­ra­tion dou­lou­reuse, une rup­ture. Par consé­quent, lorsque l’u­ni­té est réta­blie, il s’a­git d’une chose très posi­tive. En outre, ce qui vient de se pas­ser est un élé­ment qui peut faire réflé­chir d’autres encore. Je suis très content de ce qui s’est pas­sé et j’en rends grâces à Dieu.

RV. – Vous avez pu consta­ter per­son­nel­le­ment la réac­tion de Jean-​Paul II à cette nou­velle ?
P. Cottier – Non, mais je sais que le Saint-​Père a fait tout son pos­sible pour per­mettre le retour à la pleine com­mu­nion avec nos frères.

RV. – On est frap­pé par la pos­si­bi­li­té accor­dée par le pape aux membres de l’Union sacer­do­tale « Saint Jean-​Marie Vianney » de pou­voir célé­brer l’Eucharistie et la Liturgie des heures selon le rite pré-​conciliaire. Dans l’op­tique du concile, com­ment inter­pré­ter cor­rec­te­ment cette conces­sion ?
P. Cottier – Cette conces­sion a tou­jours été don­née. Lorsque Paul VI a ins­tau­ré le rite romain latin réfor­mé, il avait per­mis aux prêtres âgés ou ceux qui avaient un motif fon­dé de conti­nuer à célé­brer selon le rite dit de Pie V. Même lors­qu’il y a eu le cas de cer­tains prêtres retour­nés à la com­mu­nion avec Rome, l’in­dult per­met­tant de célé­brer la messe selon cette litur­gie a été accor­dé. Il y a par exemple cer­tains groupes reli­gieux des abbayes aux­quelles a été concé­dé cet indult, il me semble que la même chose a eu lieu pour la Fraternité Pie X. Ce n’est donc pas une chose tota­le­ment neuve : je pense qu’a­vec le cas du Brésil, il y a eu un élar­gis­se­ment de l’in­dult. Cela veut dire qu’un cer­tain plu­ra­lisme est pen­sable dans le sens du rite latin. Du reste, l’Eglise catho­lique a aus­si en son sein des membres d’autres rites, comme les rites orien­taux. On com­prend com­ment, par res­pect pour une cer­taine sen­si­bi­li­té reli­gieuse, il soit pos­sible d’ac­cor­der cette autorisation.

RV. – Des dif­fi­cul­tés per­sistent pour­tant, des résis­tances, avec la Fraternité Pie X en France, avec Mgr Fellay. Vous pou­vez pré­ci­ser les ques­tions fai­sant dif­fi­cul­té ?
P. Cottier – Les dif­fi­cul­tés consistent dans le refus du texte conci­liaire sur l’œ­cu­mé­nisme, ain­si que la cri­tique face à l’at­ti­tude adop­tée par le Saint-​Père sur les thèmes de l’œ­cu­mé­nisme ou du dialogue inter­re­li­gieux. A côté de cela, se pose aus­si la ques­tion du refus du docu­ment conci­liaire sur la liber­té reli­gieuse et de la réforme litur­gique. Cette der­nière ques­tion est celle qui a le plus frap­pé. Il faut dire que lorsque l’on a intro­duit la réforme de Paul VI tout ne s’est pas bien pas­sé. Il y a eu trop d’i­ni­tia­tives per­son­nelles des prêtres, des curés, qui ont déter­mi­né une période pour ain­si dire « d’a­nar­chie ». Si bien que cer­tains fidèles, n’ayant pas été pré­pa­rés, ont été très trou­blés. Cela explique le pour­quoi d’un cer­tain suc­cès – en réa­li­té très limi­té – de Mgr Lefebvre dans cer­tains milieux. Mais cela ne devrait plus se pas­ser avec les nou­velles générations.

RV. – Selon vous, le pas qui a été fait le 15 août par la com­mu­nau­té lefeb­vriste du Brésil peut-​il être inter­pré­té comme le début d’un dia­logue posi­tif avec le reste des « schis­ma­tiques » à l’é­chelle mon­diale ?
P. Cottier – Cela dépen­dra de la confron­ta­tion que nous aurons avec eux et de la condi­tion fon­da­men­tale qui concerne l’ac­cep­ta­tion de Vatican II. Si de leur côté il y a cette dis­po­ni­bi­li­té, nous devrons être ouverts et prêts à les accueillir. Parce qu’il s’a­git bien d’œ­cu­mé­nisme et dans ce cas, ce serait un acte immé­diat d’œ­cu­mé­nisme à mettre en pratique.

Radio Vatican – Janvier 2002