Message du pape François pour la fin du Ramadan – Dialogue avec l’Islam : notre cri d’alarme

A l’oc­ca­sion de la fin du Ramadan et de l’Aïd el-​Fitr, le pape François a signé de sa main le 10 juillet un mes­sage de vœux (1) aux musul­mans qui a été publiée le 2 août 2013.

Depuis des mil­lé­naires, à la suite de Notre Seigneur, les catho­liques sont invi­tés à mani­fes­ter leur cha­ri­té envers leurs sem­blables, celle-​ci s’exprime par le plus vif et le plus noble désir, celui de les voir un jour béné­fi­cier du plus grand don : deve­nir des fils et des filles de Jésus Christ par la grâce du bap­tême. Ce serait donc més­es­ti­mer notre pro­chain que de ne pas espé­rer de tout notre cœur qu’il s’écarte réso­lu­ment des obs­tacles qui l’éloignent du Christ et de la Sainte Église qu’il a ins­ti­tuée. Parmi ces obs­tacles, les reli­gions fabri­quées par les hommes, telles que le boud­dhisme, l’Islam ou le Judaïsme tal­mu­dique, figurent au pre­mier plan.

Or, depuis Vatican II et sa décla­ra­tion Nostra Aetate, ces obs­tacles ont sou­dai­ne­ment été per­çus comme des objets d’estime, voire comme des véhi­cules de la grâce. Alors qu’ils empêchent les âmes de trou­ver la véri­té et d’adhérer au Christ, unique voie de salut, bon nombre de pas­teurs poussent désor­mais à s’intéresser à ces sys­tèmes spi­ri­tuels, invitent les non-​chrétiens à appro­fon­dir leurs propres croyances. En cer­tains cas, ils les encou­ragent même à demeu­rer dans leurs erreurs ! 

Lorsque des papes, par leurs gestes, comme le bai­ser du Coran, ou par leurs écrits, quand ils sou­haitent une bonne fête de l’Aïd al-​Fitr, confortent les musul­mans dans la pra­tique de l’Islam, nous ne pou­vons qu’être bou­le­ver­sés ! Ce fai­sant, ils semblent perdre de vue la néces­si­té qu’ont les âmes de s’éloigner de ces che­mins qui ne mènent pas et ne pour­ront jamais mener au salut. 

Cette atti­tude est toute à l’inverse de celle d’un saint François d’Assise lequel ren­con­tra le sul­tan Al Malik Al Kamil, à qui il mani­fes­ta une cha­ri­té exi­geante, témoi­gnant d’une véri­table com­pré­hen­sion pour cet homme, mais ne dési­rant qu’une seule chose : que son âme aille à Jésus Christ et qu’il quitte l’Islam. Il ne l’a ni insul­té, ni vio­len­té. Mais il n’a pas non plus recu­lé. Sans détour, il lui dit : 

« Si tu veux te conver­tir au Christ, et ton peuple avec toi, c’est très volon­tiers que, pour son amour, je res­te­rai par­mi vous. Si tu hésites à quit­ter pour la foi du Christ la loi de Mahomet, ordonne qu’on allume un immense bra­sier où j’en­tre­rai avec tes prêtres, et tu sau­ras alors qu’elle est la plus cer­taine et la plus sainte des deux croyances, celle que tu dois tenir. »

Le 3 avril 1991, Jean-​Paul II avait adres­sé aux Musulmans un mes­sage à l’occasion de la fin du Ramadan. Ce 2 août, son suc­ces­seur François l’a imi­té (1). Ces actes ont été jus­ti­fiés par une nou­velle pra­tique de l’amitié héri­tée du Concile. Elle vou­lait répondre au sou­hait d’entretenir des liens paci­fiques dans les zones de coexis­tence. Mais com­ment ne pas voir qu’aux marges des régions où vivent peuples chré­tiens et maho­mé­tans, ce ne sont jamais les Chrétiens qui per­sé­cutent ? Comment ne pas s’apercevoir qu’en nos terres d’Occident, ce sont par­tout des mos­quées qui se construisent et ce sont par­tout des églises qui s’effondrent ? Comment ne pas remar­quer que là où l’Islam avance, c’est au détri­ment de nos sanc­tuaires et de nos cal­vaires ? Cette expan­sion ne se produit-​elle pas à la faveur d’un iré­nisme qui a renié la pru­dence et épou­sé l’inconscience ?

Le Père de Foucauld, qui avait vécu au contact des Musulmans, n’avait pas comp­té son amour pour ces hommes, s’était tou­jours méfié avec luci­di­té de leurs croyances erronées(2) . A pro­pos de ceux d’Afrique du Nord, il affirmait : 

« Ils peuvent se battre avec un grand cou­rage pour la France, par sen­ti­ment d’honneur, carac­tère guer­rier, guerre de corps, fidé­li­té à la parole, comme les mili­taires de for­tune des XVIe et XVIIe siècles mais, d’une façon géné­rale, sauf excep­tion, tant qu’ils seront musul­mans, ils ne seront pas fran­çais, ils atten­dront plus ou moins patiem­ment le jour du med­hi, en lequel ils sou­met­tront la France. »

Pourquoi la mise en garde réa­liste de ce saint mis­sion­naire serait-​elle fina­le­ment per­çue comme un juge­ment exa­gé­ré et une mani­fes­ta­tion crain­tive d’animosité ?

Par amour de Dieu, par amour pour les âmes, nous prions pour que les auto­ri­tés de l’Église, et par­ti­cu­liè­re­ment le Souverain Pontife, retrouvent ce lan­gage de clar­té qui consiste à mani­fes­ter son amour du pro­chain, mais jamais d’estimer des erreurs qui peuvent les tenir éloi­gnées de Dieu.

Comme l’apôtre des Gentils met­tant en garde saint Pierre, nous dési­rons à notre modeste place lan­cer un cri d’alarme auprès de son suc­ces­seur. Qu’il affer­misse les âmes avec la cha­ri­té de l’esprit mis­sion­naire qui ne peut enga­ger un dia­logue qu’avec l’unique idée de mener réso­lu­ment les âmes à Jésus Christ. 

Là est leur bien. Là est leur salut. 

Suresnes, le 6 août 2013, en la fête de la Transfiguration(3) de Notre Seigneur 

Abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France

Notes

(1) Message du pape François du 2 août 2013 pour la fin du Ramadan : « Aux musul­mans par­tout dans le monde.
C’est pour moi un grand plai­sir de vous saluer alors que vous célé­brez l’Aid al-​Fitr concluant ain­si le mois de Ramadan, consa­cré prin­ci­pa­le­ment au jeûne, à la prière et à l’aumône.
Il est désor­mais de tra­di­tion qu’en cette occa­sion le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux vous adresse un Message de vœux, accom­pa­gné d’un thème en vue d’une réflexion com­mune. Cette année, la pre­mière de mon Pontificat, j’ai déci­dé de signer moi-​même ce mes­sage tra­di­tion­nel et de vous l’envoyer, chers amis, comme expres­sion d’estime et d’amitié envers tous les musul­mans, spé­cia­le­ment envers leurs chefs religieux.Comme vous le savez, lorsque les car­di­naux m’ont élu Évêque de Rome et Pasteur uni­ver­sel de l’Église catho­lique, j’ai choi­si le nom de « François », un saint très célèbre qui a si pro­fon­dé­ment aimé Dieu et chaque être humain au point d’être appe­lé le « Frère uni­ver­sel ». Il a aimé, aidé et ser­vi les néces­si­teux, les malades et les pauvres ; en outre il a eu un grand sou­ci de la sau­ve­garde de la créa­tion.
Je suis conscient que les dimen­sions de la famille et de la socié­té sont par­ti­cu­liè­re­ment impor­tantes pour les musul­mans pen­dant cette période, et il vaut la peine de noter qu’il y a des paral­lèles avec la foi et la pra­tique chré­tiennes dans cha­cun de ces domaines.
Cette année, le thème sur lequel je vou­drais réflé­chir avec vous et éga­le­ment avec tous ceux qui liront ce mes­sage, c’est un thème qui concerne à la fois musul­mans et chré­tiens : il s’agit de la pro­mo­tion du res­pect mutuel à tra­vers l’éducation.
Le thème de cette année entend sou­li­gner l’importance de l’éducation en fonc­tion de la manière où nous nous com­pre­nons les uns les autres sur la base du res­pect mutuel. « Respect » signi­fie une atti­tude de gen­tillesse envers les per­son­nes­pour les­quelles nous avons de la consi­dé­ra­tion et de l’estime. « Mutuel » exprime un pro­ces­sus qui, loin d’être à sens unique, implique un par­tage des deux côtés.
Ce que nous sommes appe­lés à res­pec­ter dans chaque per­sonne, c’est tout d’abord sa vie, son inté­gri­té phy­sique, sa digni­té avec les droits qui en découlent, sa répu­ta­tion, son patri­moine, son iden­ti­té eth­nique et cultu­relle, ses idées et ses choix poli­tiques. C’est pour­quoi nous sommes appe­lés à pen­ser, à par­ler et à écrire de manière res­pec­tueuse de l’autre, non seule­ment en sa pré­sence, mais tou­jours et par­tout, en évi­tant la cri­tique injus­ti­fiée ou dif­fa­ma­toire. À cette fin, la famille, l’école, l’enseignement reli­gieux et toutes les formes de com­mu­ni­ca­tions média­tiques jouent un rôle déter­mi­nant.
Pour en venir main­te­nant au res­pect mutuel dans les rela­tions inter­re­li­gieuses, notam­ment entre chré­tiens et musul­mans, ce que nous sommes appe­lés à res­pec­ter c’est la reli­gion de l’autre, ses ensei­gne­ments, ses sym­boles et ses valeurs. C’est pour cela que l’on réser­ve­ra un res­pect par­ti­cu­lier aux chefs reli­gieux et aux lieux de culte. Quelles-​sont dou­lou­reuses ces attaques per­pé­trées contre l’un ou l’autre de ceux-​ci !
Il est clair que, quand nous mon­trons du res­pect pour la reli­gion de l’autre ou lorsque nous lui offrons nos vœux à l’occasion d’une fête reli­gieuse, nous cher­chons sim­ple­ment à par­ta­ger sa joie sans qu’il s’agisse pour autant de faire réfé­rence au conte­nu de ses convic­tions reli­gieuses.
En ce qui concerne l’éducation des jeunes musul­mans et chré­tiens, nous devons encou­ra­ger nos jeunes à pen­ser et à par­ler de manière res­pec­tueuse des autres reli­gions et de ceux qui les pra­tiquent en évi­tant de ridi­cu­li­ser ou de déni­grer leurs convic­tions et leurs rites. Nous savons tous que le res­pect mutuel est fon­da­men­tal dans toute rela­tion humaine, spé­cia­le­ment entre ceux qui pro­fessent une croyance reli­gieuse. C’est n’est qu’ainsi que peut croître une ami­tié durable et sin­cère.
Recevant le Corps diplo­ma­tique accré­di­té près le Saint-​Siège, le 22 mars 2013, j’ai affir­mé : « On ne peut vivre des liens véri­tables avec Dieu en igno­rant les autres. Pour cela, il est impor­tant d’intensifier le dia­logue entre les dif­fé­rentes reli­gions, je pense sur­tout au dia­logue avec l’islam, et j’ai beau­coup appré­cié la pré­sence, durant la messe du début de mon minis­tère, de nom­breuses auto­ri­tés civiles et reli­gieuses du monde isla­mique ». Par ces mots, j’ai vou­lu sou­li­gner encore une fois la grande impor­tance du dia­logue et de la coopé­ra­tion entre croyants, en par­ti­cu­lier entre chré­tiens et musul­mans, ain­si que la néces­si­té de ren­for­cer cette coopé­ra­tion.
C’est avec ces sen­ti­ments que je réitère l’espoir que tous les chré­tiens et les musul­mans soient de véri­tables pro­mo­teurs du res­pect mutuel et de l’amitié, en par­ti­cu­lier à tra­vers l’éducation.
Je vous adresse, enfin, mes vœux priants pour que vos vies puissent glo­ri­fier le Très-​Haut et appor­ter la joie autour de vous.Bonne fête à vous tous ! »
Du Vatican, le 10 juillet 2013
Franciscus

(2) Lire à pro­pos du Père de Foucauld : Nécessité et urgence abso­lue de conver­tir les musul­mans au catho­li­cisme.
(3) La fête de la Transfiguration de Jésus était depuis long­temps célé­brée le 6 août, dans dif­fé­rentes églises d’Orient et d’Occident. Afin de com­mé­mo­rer la vic­toire qui, en 1457, arrê­ta près de Belgrade le flot enva­his­sant de l’Islam, vic­toire dont la nou­velle arri­va pré­ci­sé­ment à Rome le 6 août, Calixte III éten­dit cette solen­ni­té à toute l’Église. Pie X l’é­le­va au rang de double de 2e classe parce que la basi­lique de Saint-​Jean-​de-​Latran pri­mi­ti­ve­ment consa­crée au Saint-​Sauveur, fête deux fois son titu­laire : le jour de Pâques (le Rédempteur) et le 6 août (le Sauveur trans­fi­gu­ré). Les autres églises dédiées au Saint-​Sauveur célèbrent leur titu­laire les unes le jour de Pâques, les autres en cette fête de la Transfiguration. 

Capucin de Morgon

Le Père Joseph fut ancien­ne­ment l’ab­bé Régis de Cacqueray-​Valménier, FSSPX. Il a été ordon­né dans la FSSPX en 1992 et a exer­cé la charge de Supérieur du District de France durant deux fois six années de 2002 à 2014. Il quitte son poste avec l’ac­cord de ses supé­rieurs le 15 août 2014 pour prendre le che­min du cloître au Couvent Saint François de Morgon.