Le voyage du pape en France du 12 au 15 sept. 2008 : à propos du Motu Proprio sur la messe traditionnelle


Le pape a évo­qué la ques­tion de la messe tri­den­tine, dans la mati­née du 12 sep­tembre, lors de la confé­rence de presse à bord de l’avion pon­ti­fi­cal, où il répon­dait à la ques­tion suivante :

- Que dites-​vous à ceux qui, en France, craignent que le Motu Proprio Summorum pon­ti­fi­cum marque un retour en arrière sur les grandes intui­tions du Concile Vatican II ? Comment pouvez-​vous les rassurer ? 

Benoît XVI : « C’est une peur infon­dée parce que ce Motu Proprio est sim­ple­ment un acte de tolé­rance, dans un but pas­to­ral pour des per­sonnes qui ont été for­mées dans cette litur­gie, l’aiment, la connaissent, et veulent vivre avec cette litur­gie. C’est un petit groupe parce que cela sup­pose une for­ma­tion en latin, une for­ma­tion dans une culture cer­taine. Mais avoir pour ces per­sonnes l’amour et la tolé­rance de (leur) per­mettre de vivre avec cette litur­gie, cela me semble une exi­gence nor­male de la foi et de la pas­to­rale d’un évêque de notre Eglise. Il n’y a aucune oppo­si­tion entre la litur­gie renou­ve­lée par le Concile Vatican II et cette liturgie.

« Chaque jour (du concile), les Pères conci­liaires ont célé­bré la messe selon l’ancien rite et, en même temps, ils ont conçu un déve­lop­pe­ment natu­rel pour la litur­gie dans tout ce siècle car la litur­gie est une réa­li­té vivante qui se déve­loppe et conserve dans son déve­lop­pe­ment son iden­ti­té. Il y a donc cer­tai­ne­ment des accents dif­fé­rents, mais quand même une iden­ti­té fon­da­men­tale qui exclue une contra­dic­tion, une oppo­si­tion entre la litur­gie renou­ve­lée et la litur­gie pré­cé­dente. Je pense quand même qu’il y a une pos­si­bi­li­té d’un enri­chis­se­ment des deux par­ties. D’un côté, les amis de l’ancienne litur­gie peuvent et doivent connaître les nou­veaux saints, les nou­velles pré­faces de la litur­gie, etc… ; d’autre part, la litur­gie nou­velle sou­ligne plus la par­ti­ci­pa­tion com­mune mais (elle) n’est pas sim­ple­ment une assem­blée d’une cer­taine com­mu­nau­té, mais tou­jours un acte de l’Eglise uni­ver­selle, en com­mu­nion avec tous les croyants de tous les temps, et un acte d’adoration. Dans ce sens, il me semble qu’il y a un enri­chis­se­ment réci­proque, et c’est clair que la litur­gie renou­ve­lée est la litur­gie ordi­naire de notre temps ».

On note­ra dans cette réponse que Benoît XVI pré­sente le Motu Proprio comme un acte de tolé­rance à but pas­to­ral pour une mino­ri­té culti­vée, mais qu’il ne voit aucune oppo­si­tion doc­tri­nale entre la messe tri­den­tine et la messe conci­liaire, insis­tant bien sur l’enrichissement mutuel qu’elles peuvent et doivent s’apporter.

Lors de son dis­cours aux évêques fran­çais, le dimanche 14 sep­tembre, à Lourdes, le pape a par­lé de la volon­té d’« uni­té » et de « paci­fi­ca­tion des esprits » qui doit pré­si­der à l’application du Motu Proprio dans les dio­cèses : « Le culte litur­gique est l’expression suprême de la vie sacer­do­tale et épis­co­pale, comme aus­si de l’enseignement caté­ché­tique. Votre charge de sanc­ti­fi­ca­tion du peuple des fidèles, chers Frères, est indis­pen­sable à la crois­sance de l’Église. J’ai été ame­né à pré­ci­ser, dans le Motu Proprio Summorum Pontificum, les condi­tions d’exercice de cette charge, en ce qui concerne la pos­si­bi­li­té d’utiliser aus­si bien le mis­sel du bien­heu­reux Jean XXIII (1962) que celui du Pape Paul VI (1970). Des fruits de ces nou­velles dis­po­si­tions ont déjà vu le jour, et j’espère que l’indispensable paci­fi­ca­tion des esprits est, grâce à Dieu, en train de se faire. Je mesure les dif­fi­cul­tés qui sont les vôtres, mais je ne doute pas que vous puis­siez par­ve­nir, en temps rai­son­nable, à des solu­tions satis­fai­santes pour tous, afin que la tunique sans cou­ture du Christ ne se déchire pas davan­tage. Nul n’est de trop dans l’Église. Chacun, sans excep­tion, doit pou­voir s’y sen­tir chez lui, et jamais reje­té. Dieu qui aime tous les hommes et ne veut en perdre aucun nous confie cette mis­sion de Pasteurs, en fai­sant de nous les Bergers de ses bre­bis. Nous ne pou­vons que Lui rendre grâce de l’honneur et de la confiance qu’Il nous fait. Efforçons-​nous donc tou­jours d’être des ser­vi­teurs de l’unité ! »

L’expression « nul n’est de trop dans l’Eglise » fait cer­tai­ne­ment allu­sion aux nom­breux dio­cèses exsangues qui n’ont plus de voca­tions et dont le cler­gé vieillis­sant se raré­fie de façon inexorable.

L’AFP note cepen­dant que le dis­cours du pape à Lourdes, a été « assez tiè­de­ment applau­di » par les évêques fran­çais. Dans une rapide confé­rence de presse, à l’issue de la ren­contre avec Benoît XVI, le car­di­nal André Vingt-​Trois, pré­sident de la Conférence épis­co­pale de France, a décla­ré que les rela­tions entre le pape et les évêques « ne sont pas des rap­ports de subor­di­na­tion ser­vile ». « Les rap­ports du pape avec les évêques ne sont pas des rap­ports de patron à employés. Il n’est pas un PDG d’une mul­ti­na­tio­nale qui vient visi­ter une suc­cur­sale. Nous l’avons accueilli et écou­té comme un frère qui vient confor­ter la foi de ceux avec qui il tra­vaille et il est en com­mu­nion. Nous sommes dans un rap­port de com­mu­nion, d’affection, de col­la­bo­ra­tion, et quand nous avons des choses à lui dire, nous les lui disons ».

Lors des vêpres à Notre-​Dame de Paris, dans la soi­rée du ven­dre­di 12, le Saint Père avait décla­ré : « La beau­té des rites ne sera, certes, jamais assez recher­chée, assez soi­gnée, assez tra­vaillée, puisque rien n’est trop beau pour Dieu, qui est la Beauté infi­nie. Nos litur­gies de la terre ne pour­ront jamais être qu’un pâle reflet de la litur­gie céleste, qui se célèbre dans la Jérusalem d’en haut, objet du terme de notre pèle­ri­nage sur terre. Puissent, pour­tant, nos célé­bra­tions s’en appro­cher le plus pos­sible et la faire pres­sen­tir ! ». Le len­de­main, comme à son habi­tude depuis plu­sieurs mois, le pape a dis­tri­bué la com­mu­nion à genoux et sur les lèvres à une qua­ran­taine de fidèles choi­sis, pen­dant que l’assistance rece­vait – soit dans la bouche, soit dans la main – les hos­ties conte­nues dans des cou­pelles en inox et dis­tri­buées par des prêtres, des diacres et des reli­gieuses – cer­taines por­tant un voile, d’autres non. 

Sources : Zenit, Apic, I.Media, AFP, KTO, FR2