Don Bux : « L’Église n’est pas un concile permanent »

Dans un entre­tien exclu­sif à , don Nicola Bux, consul­teur de nom­breuses congré­ga­tions romaines, homme de confiance du Saint Père, nous confirme que « l’a­na­lyse cri­tique » de Vatican II est légi­time et que le pape sou­haite de tout son cœur la récon­ci­lia­tion avec Écône.

1 – Don Nicola Bux, vous avez récem­ment publié, en com­pa­gnie du car­di­nal Brandmuller et de Mgr Marchetto un livre pré­sen­tant les clés de Benoît XVI pour inter­pré­ter le concile1. C’est un point sen­sible dans le pro­ces­sus de recon­nais­sance de la Fraternité sacer­do­tale saint Pie X…

NB : Une cor­recte her­mé­neu­tique est du reste la pre­mière clé don­née par Benoît XVI dans son fameux dis­cours à la Curie romaine sur l’interprétation et l’œcuménicité de Vatican II. Le renou­vel­le­ment, ou la réforme, ne peut s’opérer dans l’Église que dans la conti­nui­té, à la lumière du binôme indis­so­ciable « nova et vetera ».

Or les docu­ments du concile ont été sor­tis du contexte de la Tradition de l’Église et sou­vent uti­li­sés comme expres­sion d’un aggior­na­men­to qui, au lieu d’associer « nova et vete­ra », a mythi­fié le concile, n’en rete­nant que la nou­veau­té. De la sorte, le concile a été trans­for­mé en une sorte d’idéologie, un « super-​dogme » comme l’a dit l’alors car­di­nal Ratzinger aux évêques chi­liens (13 juillet 1988).

Il y a besoin d’une pré­sen­ta­tion his­to­rique véri­dique du concile comme ins­tru­ment d’aggiornamento au sens de « renou­veau dans la tradition ».

Un aspect géné­ra­le­ment délais­sé de la com­pré­hen­sion du concile c’est celui du consen­sus, de la façon dont il se forme. Le che­mi­ne­ment qui y porte passe à tra­vers le dia­logue entre des opi­nions diverses débou­chant sur l’élaboration d’une syn­thèse, du moins en ce qui concerne la doc­trine non défi­nie et encore en déve­lop­pe­ment – les nou­veau­tés ne sont pas néces­sai­re­ment défi­ni­tives et irré­for­mables mais sont des orien­ta­tions que le magis­tère pon­ti­fi­cal ordi­naire inter­prète, pré­cise et déve­loppe ultérieurement.

On doit tenir compte éga­le­ment du fait que les docu­ments conci­liaires ne sont pas tous, entre eux mais aus­si en eux, de la même nature. À cet égard, je ne vois pas pour­quoi Vatican II échap­pe­rait à l’analyse cri­tique à laquelle ont été sou­mis les pré­cé­dents conciles.

2 – Dans la note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi expli­quant la nomi­na­tion sur­prise de Mgr Di Noia à la vice-​présidence de la Commission Ecclesia Dei, il était affir­mé que « La nomi­na­tion d’un pré­lat de ce rang [arche­vêque, NDLR] à un tel poste » par le pape repré­sen­tait un « signe de sa sol­li­ci­tude pas­to­rale envers les fidèles tra­di­tio­na­listes en com­mu­nion avec le siège apos­to­lique, mais aus­si de son vif désir de voir récon­ci­liées les com­mu­nau­tés non en com­mu­nion ». Mgr Di Noia est-​il bien l’homme choi­si par le pape pour par­ve­nir enfin à la recon­nais­sance de la FSSPX ?

NB : Il n’y a aucun doute à avoir sur les inten­tions du Saint Père qui a tant à cœur la récon­ci­lia­tion et l’unité des chré­tiens. Tout catho­lique, comme je l’ai sug­gé­ré pré­cé­dem­ment, doit aimer la tra­di­tion et est de ce fait « tra­di­tion­nel ». En outre, dans l’Église, qui­conque reçoit une charge n’a pas à pro­mou­voir ses idées mais à ser­vir la véri­té, en pleine fidé­li­té à l’enseignement du Souverain Pontife.

À cet effet, nous avons besoin d’une seconde clé pour inter­pré­ter non seule­ment le concile mais aus­si toute la vie de l’Église : celle de la Foi. Ce n’est pas un hasard si Benoît XVI a choi­si de pro­mul­guer une Année de la Foi. En réa­li­té, à quoi doit ser­vir le débat sur Vatican II si ce n’est à redé­cou­vrir la nature du chris­tia­nisme, néces­saire au salut de l’homme ? Par l’intelligence de la foi, les chré­tiens doivent concou­rir à l’intelligence de la réa­li­té. Voici le conte­nu essen­tiel de la foi dont le pape a bien com­pris toute l’urgence qu’il y a à le réaf­fir­mer face à des concep­tions qui réduisent la foi à un dis­cours, un sen­ti­ment ou une éthique.

Nous devons prier pour que tous dans l’Église soient dociles à l’Esprit Saint, Spiritus unitatis.

3 – Mgr Fellay, supé­rieur géné­ral de la Fraternité saint Pie X et à ce titre dépo­si­taire aus­si bien du cha­risme spé­ci­fique de celle-​ci que de l’héritage de Mgr Lefebvre, s’est beau­coup expo­sé pour per­mettre les condi­tions d’une récon­ci­lia­tion. Pouvez-​vous confir­mer que ce que sou­haite le Saint Père, ce n’est pas de nier la sin­gu­la­ri­té de la FSSPX mais bien de la mettre au ser­vice de l’Église ?

NB : Dans la lettre aux évêques écrite par Benoît XVI à l’occasion de la révo­ca­tion des excom­mu­ni­ca­tions des évêques lefeb­vristes, le pape a démon­tré qu’il connais­sait bien et qu’il aimait cette large frange de fidèles qui sont aus­si ses fils. Les pas accom­plis par le pape sont ins­pi­rés par la « patience de l’amour » qui, selon saint Paul, doit carac­té­ri­ser tous les dis­ciples de Jésus.

Mgr Fellay, lui aus­si, a démon­tré être ani­mé de cette même ver­tu et je ne doute pas que la majeure par­tie de la Fraternité, évêques et prêtres in pri­mis, sau­ra l’imiter en se pré­ser­vant de l’orgueil ins­pi­ré par le Malin. Suivons Jésus qui est doux et humble de cœur. Tout évêque, tout prêtre, tout chré­tien doit avoir à cœur l’unité car c’est le bien le plus pré­cieux selon saint Jean Chrysostome. Il a été payé du prix du Très pré­cieux sang de Notre Seigneur qui, juste avant Sa Passion, a pré­ci­sé­ment prié : « Ut unum sint ».

Enfin, quand bien même quelques-​uns tom­be­raient dans l’erreur, l’Église est indé­fec­tible car Jésus l’a fon­dée sur le rocher de la foi que repré­sente Pierre. Son uni­té est « inamis­si­bi­lis », ne pour­ra jamais se défaire car elle est comme la tunique du Christ, expo­sée solen­nel­le­ment cette année à Trêves : sans cou­ture, d’un seul mor­ceau. Les divi­sons entre chré­tiens ne peuvent détruire l’unité de l’Église.

Le pri­mat du pape est supé­rieur au concile. Et l’Église n’est pas un concile per­ma­nent. À Pierre et à ses suc­ces­seurs, le Seigneur a don­né le pou­voir des clés : de lier et de délier sur la terre ce que Lui lie et délie simul­ta­né­ment dans le Ciel.

Par bon­heur, en plus de l’Écriture, les catho­liques ont en la per­sonne du pape un anti­corps visible contre le confor­misme : comme l’écrit Dante dans La Divine Comédie, nous avons « le pas­teur de l’Église pour nous gui­der ; cela suf­fit à notre salut ».

Que la Sainte Vierge – comme le lui demande actuel­le­ment le Saint Père – fasse que la Fraternité saint Pie X accueille donc avec confiance la récon­ci­lia­tion qui lui est offerte par le pape et puisse connaître ain­si un nou­vel essor pour le bien de toute l’Église catholique.

Entretien par Vini Ganimara à Riposte catho­lique du 10 juillet 2012

  1. Publié aux édi­tions Cantagalli de Sienne, ce livre devrait être tra­duit en fran­çais d’ici la fin de l’année. []