Lettre du cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre du 23 décembre 1982

Excellence,

Après un assez long délai de consul­ta­tions, de réflexion et de prière, je suis main­te­nant en mesure de vous pré­sen­ter des pro­po­si­tions concrètes en vue de la régu­la­ri­sa­tion de votre propre situa­tion et de celle des membres de la Fraternité Saint-​Pie‑X. Je pré­cise immé­dia­te­ment que ces pro­po­si­tions ont été approu­vées par le Souverain Pontife et que c’est sur son ordre que je vous les communique.

1) Le Saint-​Père nom­me­ra au plus tôt un Visiteur Apostolique pour la Fraternité Saint-​Pie‑X si vous accep­tez de signer une décla­ra­tion sous la forme suivante :

Ego Marcellus Lefebvre, decla­ro me reli­gio­so ani­mi obse­quio adhæ­rere doc­tri­nœ Concilii Vaticani II inte­græ, vide­li­cet doc­trinæ « qua­te­nus intel­li­gi­tur sub sanctæ Traditionis lumine et qua­te­nus ad constans Ecclesiæ ipsius magis­te­rium refer­tu­rus » (cf. Joannes Paulus II, Allocutio ad Sacrum Collegium, 5 nov. 1979, AAS LXXI (1979/​55), p. 1452). Hoc reli­gio­sum obse­quium ratio­nem habet illius qua­li­fi­ca­tio­nis theo­lo­gicæ sin­gu­lo­rum docu­men­to­rum, quæ ab ipso Concilio sta­tu­ta est (Notificatio data in 125a Congr. Generali, 16 nov. 1964).

Ego, Marcellus Lefebvre, agnos­co Missale Romanum a Summo Pontifice Paulo VI pro Ecclesia uni­ver­sa­li ins­tau­ra­tum a légi­ti­ma sum­ma auc­to­ri­tate Sanctæ Sedis, cui ius legis­la­tio­nis litur­gicæ in Ecclesia com­pa­tit, pro­mul­ga­tum proin­deque in se legi­ti­mum et catho­li­cum esse. Qua de cau­sa nec nega­vi nec nega­bo mis­sas fide­li­ter secun­dum novum ordi­nem cele­bra­tas vali­das esse itemque eas hære­ti­cas seu blas­phe­mas esse nul­lo modo insi­nuare velim nec eas a catho­li­cis vitan­das esse affir­mare intendo

Ces deux para­graphes ont été mûre­ment étu­diés de la part du Siège Apostolique, et il ne peut être envi­sa­gé de les modi­fier. Par contre, on admet­tra que vous ajou­tiez, à titre per­son­nel, un com­plé­ment dont le conte­nu pour­rait être le suivant :

In conscien­tia obli­ga­tum me sen­tio addere, appli­ca­tio­nem concre­tam reno­va­tio­nis litur­gicæ graves ponere quæs­tiones, quæ supremæ etiam auc­to­ri­ta­tis sol­li­ci­tam curam pro­vo­care debent. Quare novam revi­sio­nem libro­rum litur­gi­co­rum pro future ab hac ipsa auc­to­ri­tate desidero.

Vous pou­vez éven­tuel­le­ment modi­fier ce der­nier pas­sage, sous réserve natu­rel­le­ment que votre for­mu­la­tion soit accep­tée par le Saint-Père.

2) Si vous décla­rez votre dis­po­ni­bi­li­té à sous­crire la décla­ra­tion ci-​dessus, il sera pos­sible de fixer la date de l’audience que le Saint-​Père vous accor­de­ra, et qui pour­rait mar­quer le début de la Visite Apostolique.

3) La sus­pens a divi­nis dont vous avez été frap­pé ne dépend pas des pro­blèmes concer­nant l’acceptation du deuxième concile du Vatican et de la réforme litur­gique (c’est-à-dire des deux points tou­chés dans la décla­ra­tion pré­vue), mais du fait que vous avez pro­cé­dé à des ordi­na­tions mal­gré la pro­hi­bi­tion du Saint-​Siège. Cette sus­pens sera donc levée dès lors que vous aurez décla­ré votre inten­tion de ne plus faire d’ordinations sans l’autorisation du Saint-​Siège. Logiquement du reste, la ques­tion devrait se résoudre à l’issue de la Visite Apostolique.

4) La situa­tion des prêtres que vous avez ordon­nés depuis juin 1976 sera réglée cas par cas s’ils acceptent de signer per­son­nel­le­ment une décla­ra­tion ayant le même conte­nu que la vôtre.

Je dois ajou­ter enfin que, pour ce qui concerne l’autorisation de célé­brer la Sainte Messe selon l’Ordo Missæ anté­rieur à celui de Paul VI, le Saint-​Père a déci­dé que la ques­tion serait réso­lue pour l’Église uni­ver­selle et donc indé­pen­dam­ment de votre propre cas.

En cette veille de Noël, je prie ardem­ment le Seigneur Jésus et sa Sainte Mère pour qu’ils vous conduisent, dans un esprit de reli­gieuse obéis­sance, à l’acceptation de ces pro­po­si­tions que vous pré­sente la géné­ro­si­té du Saint-​Père. Mon sou­hait le plus vif est que vous répon­diez au Pape Jean-​Paul II avec une même géné­ro­si­té et une entière fidé­li­té, en sorte que l’Église puisse retrou­ver la Paix.

Joseph card. RATZINGER